«Le Grand Camouflage», de Suzanne Césaire

En plus des textes de Suzanne Césaire, contient des textes de Ménil, Masson, Breton, Aimé Césaire, tous liés à la forêt d’Absalon. (Autres retombées de cette journée, non visibles dans le livre : certaines des toiles de Masson et de Wifredo Lam, et sans doute aussi le divorce des Breton, après lequel Jacqueline deviendra peintre).
De fait, l’expérience a été très forte, presque violente. écrivent Breton et Masson dans (publié en 1942 à Buenos Aires). répond Suzanne dans un texte de 1945. La tête des poètes chavire aussi à cause de Suzanne. Breton en tout cas l’a trouvée et lui a dédié plusieurs textes.
En dehors de ces sept essais, Suzanne a écrit une pièce,  qui a été jouée à Fort-de-France au début des années 50, mais le texte a été perdu. Emile Capgras, ex-président du conseil régional de Martinique, a été un des jeunes acteurs de la pièce, mais il a perdu le texte depuis très longtemps.
Après cette pièce, plus rien, Suzanne n’a plus jamais écrit, et c’est une énigme. Comment une femme qui entre 25 et 30 ans a écrit des textes aussi forts a-t-elle pu s’arrêter définitivement ? Qu’est-ce qui fait qu’une femme s’arrête ? Il faut chercher dans ce qu’on sait de sa vie.
Suzanne est née en 1915 dans une famille de la petite-bourgeoisie mulâtre, sa mère est institutrice. Après l’école communale à Rivière-Salée et le pensionnat de jeunes filles à Fort-de-France, elle part faire des études de lettres à Toulouse, puis à Paris. C’est là qu’elle rencontre un groupe d’amis, parmi lesquels l’écrivain guyanais Léon-Gontran Damas, la comédienne Jenny Alpha (qui s’extasie encore aujourd’hui sur l’intelligence de Suzanne), Gerty Archimède (la future députée communiste de Guadeloupe) et Léopold Sédar Senghor, qui lui présente Césaire.
Les photos de l’époque, comme celles qui seront prises plus tard, montrent une jeune fille à la beauté solaire, les cheveux nattés ou en chignon, les yeux brun clair, entre inquiétude et sérénité. Le groupe d’amis se retrouvait pour aller au théâtre ou aux concerts de Duke Ellington, pour danser aussi, même si Suzanne disait que, pour ça, Aimé avait  Cela ne l’a pas empêchée de l’épouser. Pour leur mariage, à la mairie du XIVe en 1937, elle portait un tailleur rouge feu. Suzanne est là quand Aimé écrit en 1939, à 26 ans, son chef-d’œuvre,  c’est sans doute grâce à elle qu’il est allé au bout.
Chassés de Paris par la guerre, les Césaire repartent à Fort-de-France. Ils enseignent au lycée Schoelcher et font des enfants : le quatrième naît en 1942, il y en aura six en tout. Quand ils créent la revue  qui sort malgré la censure vichyste, entre 1941 et 1943, ils ont bien le sentiment de participer à une internationale antifasciste. Dans une Martinique sous gouverneur désigné par Vichy, ils écrivent : «Il n’est plus temps de parasiter le monde […]. C’est de le sauver qu’il s’agit. Il est temps de se ceindre les reins comme un vaillant homme. Où que nous regardions, l’ombre gagne […]. Pourtant, nous sommes de ceux qui disent non Suzanne et Aimé sont dans le même élan politique et littéraire. Suzanne écrit. Ni ses enfants en bas âge ni son métier de professeur ne l’arrêtent.
Après la guerre, Césaire est élu maire de Fort-de-France, puis député de la Martinique, toute la famille part en métropole. Ils habitent rue de l’Odéon à Paris, puis au Petit-Clamart en banlieue, ils retournent deux ans à Fort-de-France et reviennent porte Brancion à Paris. Suzanne n’écrit plus. Mais elle a alors six enfants, qu’elle élève à moitié seule puisqu’Aimé est en Martinique une bonne partie du temps. Elle a aussi repris un poste de professeur, sa fille Ina se souvient – elle l’a écrit à Daniel Maximin, qui nous l’a rapporté – que ses élèves l’appelaient «la Panthère noire» et qu’elle corrigeait ses copies en fumant des Royal Navy dans la villa Week-End du Petit-Clamart. Ina se souvient aussi de ses robes et de son ensemble Tricosa, elle ne mettait de pantalon que pendant les vacances. Elle se souvient des  de ses Elle se souvient d’une mère qui «Tous aux abris»et d’une
Suzanne était aussi une militante féministe et politique  qui acés par des récits réels.  dit Ina. Le dimanche matin, Suzanne laissait les enfants seuls devant leur bol de chocolat pour aller vendre  au marché du Petit-Clamart.
L’écrivain haïtien René Depestre qui fréquentait la famille à l’époque se souvient que Suzanne était toujours très présente dans les débats. Ina décrit sa parole Elle n’écrivait plus, mais elle restait une partenaire, pas une muse, pour Aimé. Peu avant sa mort, il y a un an, le poète disait encore :  Et cela même si Suzanne avait fini par le quitter en 1963 (à 48 ans), même si elle avait eu une histoire d’amour avec un autre homme, jusqu’à ce qu’une tumeur du cerveau l’emporte le 16 mai 1966. De cet homme, on ne sait rien, sauf qu’il est longtemps allé fleurir la tombe de Suzanne, en Martinique. Daniel Maximin affirme que c’est de Suzanne qu’Aimé parle dans un de ses derniers poèmes.
Ina se souvient aussi que sa mère lui disait : Est-ce que ça veut dire qu’elle-même aurait fait d’autres choix ?
Le 7 mai, au musée Dapper (75016) sera présenté le  Le 10 mai, Journée Suzanne Césaire au parc de la Villette (75019).