« Le Client » d’Asghar Farhadi

— Par Selim Lander —

On connaît Asghar Farhadi, le plus célèbre des cinéastes iraniens (À propos d’Elie, Une séparation), spécialiste des drames intimes qui se nouent autour d’un couple. Ici, par suite d’un quiproquo, l’épouse est victime chez elle d’une agression. Disons-le tout de suite, si Le Client n’est pas le meilleur Farhadi, il se laisse voir néanmoins à cause de la direction d’acteurs, toujours parfaite (Shahab Hosseini a reçu le prix d’interprétation masculine à Cannes en 2016), et de tout ce qui entoure l’intrigue principale, tout ce que nous découvrons sur la vie d’un couple d’intellectuels dans un pays soumis au régime des mollahs. Lui est professeur de lycée, l’occasion de nous rappeler que, dans ce pays, il y a des livres interdits. Tous deux comédiens, ils jouent dans La Mort d’un commis voyageur d’Arthur Miller, l’occasion de nous rappeler, cette fois, que les censeurs du ministère de la Culture et de la Guidance islamique (sic – cf. le film No Land’s Song d’Ayat Najafi[i]) peuvent couper comme ils veulent dans les textes du répertoire.

Les trop brèves séquences avec le professeur devant sa classe sont pleines d’enseignement pour un public occidental : elles montrent que la jeunesse iranienne est à la fois très différente (cela on s’en doutait) mais aussi très semblable à la nôtre (on s’en doutait moins). Et les lycéens, là-bas, apprennent encore des poésies par cœur ! Les séquences au théâtre, plus développées, confirment qu’un Iran moderne perdure en dépit de l’obscurantisme ayatollesque. Même si ce n’est pas le sujet du film, on perçoit suffisamment que toute une partie de la population iranienne, contrainte au double langage, balance en permanence entre sincérité (ce que l’on veut vraiment dire, réservé au cercle intime) et mensonge (ce qu’il convient de dire pour ne pas être sanctionné d’une manière ou d’une autre).

Reste l’intrigue principale qui ne convainc guère, tant les comportements de l’une (l’agressée) et des autres (l’agresseur et le mari) paraissent peu crédibles : comment – ce n’est que l’exemple le plus trivial – l’agresseur a-t-il pu laisser autant de traces de sa présence ? On se console en admirant comme tout cela est filmé : le théâtre aves ses décors, les répétitions, les représentations ; un vélo d’enfant, objet récurrent ; le signal d’un grille-pain qui nous fait sursauter ; les vues sur Téhéran à partir des toits des immeubles, etc.

 

 

[i] Cf. Selim Lander, « No Land’s Song : les joies de la guidance islamique », https://herlandlesclave.wordpress.com/2016/06/24/no-lands-song-les-joies-de-la-guidance-islamique/