L’anarchie des ego…

— Par Roland Tell —

Comment poser le problème de la députation à l’Assemblée Nationale française pour l’avenir humain martiniquais ? C’est là une question d’importance centrale pour la cinquantaine de candidats de nos quatre Circonscriptions législatives. Certes, il n’y a rien qu’ils désirent tant qu’une vie parlementaire à Paris ! Ne leur proposer que l’ordinaire des élections locales, en mairie, en communauté de communes, ou même au sein de la Collectivité Territoriale, n’est-ce pas les rabaisser, effacer toute leur valeur, à ces candidats superflus, ces beaucoup-trop-nombreux , que le Palais Bourbon attire, et appâte par tous ses honneurs ! Qui sont-ils donc ces ambitieux tout remontés, qui font tic-tac, comme des horloges, à chaque élection parlementaire ? Hélas, parmi eux, six dignitaires sur les neuf membres du Conseil Exécutif de la Collectivité Territoriale, à peine élus, puis affectés à d’importantes charges pour l’évolution économique, sociale, éducative de la Martinique, souhaitent fuir frauduleusement leurs responsabilités, prendre précipitamment congé de leur mandat, pourtant scellé par alliance, en vue d’une ultime migration électorale au Palais Bourbon. De tous les délirants à la députation, oh désertion ! oh sauve-qui-peut ! Comment l’électeur martiniquais peut-il scruter une telle débandade ? Il lui faudra faire toute lumière sur les obscurités de la gestion à Plateau Roy : le trafic et le marchandage du pouvoir personnel, les grandes gueules qui désapprennent à se concerter, les gesticulations pour persuader de force, les esprits de duperie et de fièvre politiciennes, les habitudes partisanes, tout cela marque des différences, donc des envies de fuite. En effet, où trouver la sécurité, quand tout autour de soi chancelle, tremble ? De la peur et de la honte naît alors l’idée de tourner le dos à la gouvernance territoriale, de se libérer de sa nausée, de tout sens captif en soi, de chercher enfin à l’horizon électoral, la plus haute cime élective, à savoir, selon leur conception, le silence bienheureux des Commissions Outre-Mer de l’Assemblée Nationale, pour ne rien faire en vérité, puisque, depuis fort longtemps, leur esprit donne asile à des pensées séparatistes. En même temps qu’une sauvegarde, ne serait-ce pas surtout le couronnement de la carrière d’élu, où le délire ferme définitivement les yeux sur soi ?
Pour ces trompeurs de peuple, récemment chargés de pouvoirs au sein de la Collectivité, il y a bien parjure, car ils brisent l’alliance de camouflage de Décembre 2015, par désertion de mandat exécutif, par faux usage d’électorat, étant entendu que la bonne foi des Martiniquais se trouve irrémédiablement bafouée. Dans le dynamisme électoral, où ils se trouvent désormais engagés, non seulement ils apparaissent comme insconscients de soi, mais aussi de l’intérêt de leur électorat de Décembre 2015. De telles postulations de volonté de puissance, ces voies obliques de pouvoir, venant de ces six dignitaires du Conseil Exécutif, font grand mal au peuple martiniquais, où se trouve plutôt un vouloir-vivre décemment. Car, pour celui-ci, s’agissant de la vie politique, il importe de jouer le jeu normal d’une action à longue portée, au lieu de s’hypnotiser à obtenir un mandat de député, au bout de six mois à peine de l’exercice d’une mandature régionale ! N’attendait-il pas plus de constance dans les fonctions exercées ? Tablant lui-même sur la durée, ne se nourrit-il pas, et ne vit-il pas de l’avancée de dossiers sociaux et économiques majeurs, désormais en souffrance ? Quelle épouvante éprouve-t-il déjà devant cette anarchie des égo pour les postes électifs ? Face à une telle situation, c’est pour lui le temps de l’attente et de la solitude, pendant toute la campagne électorale. Plus qu’une contrariété, c’est la douleur de voir son sort descendre au plus bas, parce qu’un politicien veut monter plus haut . Jamais, il ne le lui pardonnera … dans l’isoloir !
Demandons-nous maintenant en quoi consiste le mandat de député, du point de vue de l’épanouissement de la vie martiniquaise, s’agissant notamment des nécessités humaines les plus urgentes. Par exemple, le député peut faire surgir, par la loi, des avancées nouvelles, telle que récemment la loi « Égalité Réelle », qui achève de déterminer le sens de l’Assimilation. A cet égard, l’homme martiniquais, collectivement considéré au sein de la nation française, vit de ce fait du progrès normal, susceptible de se manifester et de se réaliser au sein de celle-ci. A cet égard, le député, représentant la Martinique, a vocation à secouer le joug des inégalités, existant encore, pour faire avancer le développement de sa communauté ultra-marine à un degré supérieur de vie économique et sociale, afin que les Martiniquais parviennent à la conquête progressive des conditions matérielles de vie, existant en France. C’est pourquoi, il s’agit pour nos députés de se placer au-dessus de tout clivage idéologique, donc de triompher des fatalités partisanes, de tout écran de fumée, générateur d’impénétrables obscurités, accumulées par des années de militantisme séparatiste. C’est pourquoi encore ils doivent jouir d’une liberté d’agir et d’intervenir, dans le sens de l’histoire, avec un esprit sain de la progression de celle-ci, que nulle idéologie séparatiste ne puisse réfréner. Certes, il n’est pas interdit de penser et de travailler à une option politique à longue portée, à longue distance de temps – autonomie ou indépendance. Mais au lieu de s’obnubiler sur la contestation du régime départemental, c’est une obligation pour le député à Paris de chercher à subvenir aux nécessités présentes de la Martinique, à celles qui sont là, devant lui, et qui n’attendent pas. Certes, certaines mesures, plus politiques, peuvent ménager des transformations plus ou moins profondes dans les conditions d’évolution du monde moderne , mais un tel avenir peut-il naître de l’Assemblée Nationale ? Toute nouvelle élaboration doctrinale, toute révolution idéologique, toute rupture essentielle, se préparent ici, à la Martinique, avec l’assentiment du peuple, ou par exemple, en suscitant, à la Collectivité Territoriale, des mesures réformatrices réalisables, pour servir vraiment l’accès au travail des jeunes, le maintien sur place des cerveaux, la justice sociale, la paix civile. L’histoire de la Martinique doit aller son chemin, à travers l’abolition, puis l’assimilation, puis l’égalité réelle, selon les orientations engendrées par son régime de civilisation, et par sa vocation. Seul compte, de manière absolue, le bien commun, matériel et social, du peuple martiniquais ! C’est pourquoi il est nécessaire que le député puisse respecter la fin, de tout temps voulue par les citoyens, dans la conquête totale de l’égalité réelle, au sein de la bonne vie humaine de l’ensemble des Martiniquais, dans la communion du bien-vivre, à travers le bien commun. Sous peine de se dénaturer, le peuple martiniquais ne saurait confier la charge de député à des individus, qui passent leur temps à réduire à néant les acquis de leur histoire, au profit de procédures artificielles d’un bloc séparatiste, instituant ici ou là, à travers la Collectivité Territoriale, et son Conseil exécutif, des sortes de clans dirigeants, voués à les maintenir comme élite politique naturelle de renversement des valeurs nationales. La Martinique d’aujourd’hui n’est pas réduite à la lutte du peuple et de l’élite de Plateau Roy, à la fois politique et financière, dans l’alliance de gestion, comme dans l’illusion idéologique. Dans l’état actuel de l’évolution martiniquaise, il faut dire, aux uns et aux autres :  » Commencez par suivre une autre politique, nous parlerons ensuite de députation !  » D’ailleurs, le plus éminent d’entre eux a passé vingt ans à l’Assemblée Nationale, sans capacité de travail, et, dans l’ordre de l’histoire, sans produire la moindre loi, même avec coefficient de mépris !

ROLAND TELL