Laisse tomber la neige : chronique d’une folie ordinaire?

— Par Christian Antourel —

laisse_tomber_la_neige-2L’histoire est tirée d’un fait divers réel. Une femme, éminente personnalité du monde médical ayant assassiné sa meilleure amie. Plusieurs faits antérieurs au crime sont suffisamment troublants pour qu’une enquête psychologique soit ouverte. Simule t-elle la folie pour éviter la prison ? Elle se raconte dans un plaidoyer qui dénonce les conditions d’enfermement psychiatrique. On imagine cette femme qui prend la boule de verre dans laquelle la neige voltige, qui l’abat une fois deux fois et encore sur sa victime.

Que s’est-il passé dans la vie de cette femme pour qu’elle assassine avec une telle cruauté sa meilleure amie ? Nous sommes peut-être en présence d’une personnalité dite de type « antisociale » de celles qui animent la chronique des faits divers spectaculaires et inspirent cinéastes et romanciers. Sans aucun scrupule ni sens moral, les antisociaux transgressent les lois sans relâche. Ils méprisent leur prochain, trompent par jeu ou par profit…Charment leurs victimes, les manipulent, leur mentent puis les escroquent ou les sacrifient. Et si ce n’est pas de la folie, c’est quoi alors ? le tout médical avance que la plupart des meurtres sont le fruit de
la nécessité plutôt que du désir, quoi que certains ont tué parce que ça les excitaient. Pierrette Dupoyet nous place dans la situation d’une femme qui a commis l’impensable, mais pourquoi ? Nous pénétrons les dédales d’un esprit qui bascule dans une « folie » si l’on considère qu’il y a autant de folies que d’aires culturelles, et puisque qu’on ne peut affirmer par ailleurs l’existence d’une « normalité » absolue socialement approuvée.

A chacun sa folie.

La pièce explore toute la gamme des émotions de l’homicide qui s’agite, de la colère froide à la rage, rythmée par une musique complice. Elle veut nous convaincre par son refus de toutes évaluation doctrinale, que son geste d’abord considéré comme un coup de folie, où est pris en compte un comportement pathologique qui qualifie d’ «anormales » les émotions violentes, les expériences physiques et psychiques intenses, n’est qu’une réaction normale amplement justifiée, à l’inverse de son enfermement totalement arbitraire. Deux ignorances se rencontrent au bout du compte, celle de la tueuse qui méconnait ses troubles et celle de la médecine alliée de la justice qui ignore ce qu’elle introduit. Reste le mobile du crime, multiple autant que singulier, il questionne en lettres de feu le brouillard de nos certitudes et nous amène, sinon à cautionner l’avis de la meurtrière, du moins à essayer d’en saisir le sens. Alors, orgueil bafoué, jalousie, vengeance ? Dans l’escalade du pire, les émotions exacerbées entrainent des actes inavouables.

Christian Antourel

CITATION EXPRESS

« J’ai rencontré ce texte de Pierrette Dupoyet en 1994 à Fort-de-France, lors d’une rencontre dans un bar avec une comédienne qui le roulait en tube, le triturait, l’écrasait sur la table comme pour le repasser à plat…et puis pour
le lâcher dans mes mains comme une chose dégoutante, horrible, terrifiante et fascinante….de douleur et d’interrogations.
Et le texte dont j’avais pu lire quelques lignes, m’est revenu 17 ans plus tard »

José Alpha