La montagne est-elle toujours verte ?


— Par Roland Tell —

Le progrès dans la conscience de l’histoire esclavagiste est définitivement acquis à la Martinique. C’est, bien là, la spécification éthique du peuple martiniquais. Cependant, la recherche d’un commun dénominateur, entre nègres et békés, crée délibérément la conscience d’une société sans conscience collective. Le moindre problème social se ramène à des principes de proportionnalité. Il n’y a pas de solution vers l’unité de la communauté ! Pas d’unité du corps social dans son ensemble, du fait du poids historique très lourd de l’esclavage. Le dernier politicien héros de la CTM, de droite, de gauche, ou indépendantiste, qu’il soit président ou conseiller exécutif, est chaque jour plus soucieux de construire sa propre image de gouvernant dogmatique, pour les générations à venir, comme exemplaire de « godillot » sur papier imprimé de l’alliance de gestion, que de chercher à unir les Martiniquais sur un minimum doctrinal.
Mais par quel moyen ? En avançant toujours leurs intérêts de militants tourmentés à entretenir la confusion entre le gain historique, et le chantage institutionnel. Chez eux donc, aux assises de leur doux silence pensant, appelant en souvenir les évènements passés, soupirant l’absence de viatiques communs, tel l’opium du peuple, l’émotionnalisme et l’intellectualisme superficiels entraînent ainsi, dans leur sillage, des déviations, des dérives, des désordres, qui empêchent toute conquête et toute réalisation de l’unité martiniquaise, pourtant si utile, par exemple, pour le travail des jeunes au chômage. Il n’y a pas d’erreur plus infortunée en politique que de prendre, pour substances de vie sociale, les oriflammes aux couleurs de l’abîme, d’où sort le peuple martiniquais, ainsi que les supplications et les prières chantées, à l’égard des chaînes brisées, les uns et les autres, venus du fond des temps, dans l’autre règne de la mort.
Certes, étant donné la misère de la condition des jeunes à la Martinique, de tels désordres de gestion, de surcroît monnayés, contrarient, dissimulent, et obscurcissent, dans le monde moderne, la révolution essentielle : l’avènement d’une Collectivité Martiniquaise, de plein exercice, par processus continu de différenciation, selon une relation de plus en plus affirmée d’autonomie, civilement établie, d’après les modes modernes de collaboration de deux pouvoirs.
C’est d’abord cela l’idéal historique, qu’il importe de caractériser, pour donner à la Martinique entière le sens plus aigu de la communauté, en tant que peuple, la loi de l’usage commun, et enfin, nègres et békés mêlés, les possibilités conquises, pas à pas, d’accéder aux attributs de souveraineté, que sont un drapeau et un hymne, donc aux avantages de la liberté réelle, dans les structures étatiques, comme partout ailleurs, politiquement et socialement ordonnées au bien commun, dans le sens de la communion patriotique.
Tout le reste, tout ce qui se passe actuellement, sous régime régional, constitue des désordres idéologiques, masquant le chômage des jeunes, les formes actuelles de la propriété industrielle, les sociétés de capitaux, le non-développement du patrimoine martiniquais commun. Dans les perspectives, où la Martinique se trouve placée, il y a une œuvre communautaire à réaliser, ici et maintenant, un contrat de responsabilité collective, conforme à la dignité martiniquaise, toutes races confondues, adapté aussi à la vocation d’un peuple, chaque jour plus héroïque, dont l’oeuvre d’émergence doit prendre naissance, par la loi commune de nous-même, portée par nous-même, donc tous les Martiniquais ensemble, selon une possession progressive des structures sociales, des institutions, des lois, et des énergies de vie économique, toutes orientées vers la réalisation d’une Martinique, s’attachant entièrement à l’accomplissement de la vie personnelle des jeunes martiniquais au chômage. C’est là, et là seule, la vraie nature de l’œuvre commune à accomplir, dès maintenant.
ROLAND TELL