« La mastication des morts » au théâtre du lycée Schoelcher

Les 5 & 6 juin 2015 à 19h 30

mastication_des_mortsC’est en visitant un petit cimetière de la campagne française que m’est venue l’idée de construire une « polyphonie de l’au-delà » en redonnant la parole aux centaines de défunts enterrés depuis un siècle à Moret-sur-Raguse, village symbolique inventé de toutes pièces…
Mais avant d’en arriver là, j’ai fait un tour de France des nécropoles rurales et j’ai réuni un ensemble de noms aux consonances bien françaises afin d’exclure tout exotisme. Hormis la géographie, purement imaginaire, du village en question, tout ce que je raconte dans ma pièce est authentique, au détail près, petite histoire et grande Histoire entremêlées.
La mastication des morts est un « oratorio in progress ». C’est un travail sur le nombre et la mémoire, la petite mémoire fragile d’une multitude de voix qui s’inscrivent dans l’histoire d’une communauté.
Il s’agit, dans l’accumulation des habitants du cimetière de Moret-sur-Raguse, d’entendre la singularité de chacun, sa langue propre qui, surgie d’outre-tombe, par-delà les corps, fait résonner en nous, morts en sursis, ces vivants d’un autre monde… De ce point de vue, La mastication des morts est une joyeuse tentative de réconciliation avec la mort que notre époque évacue systématiquement. Elle répond également au projet de Jean Genet d’un théâtre implanté au cœur même du cimetière et qui s’adresse à des gens capables, au plus profond de la nuit, d’affronter un mystère.
Les morts que j’arrache momentanément de l’oubli en les mettant en scène ne connaissent ni la résignation de la tristesse, ni la brûlure de la plainte, ni horreur ni extase, ni enfer, ni paradis.

Un retour au pays, une visite aux champs des morts, et voici tout un petit monde de l’ombre qui se met à se raconter, à râler, à invectiver le passant…jetant peu à peu une lumière singulière sur la vie d’un village tout au long d’un siècle.
Amours et haines, heurs et malheurs, crimes et châtiments…Patrick Kermann, tel un peintre impressionniste, nous dresse avec humour (noir) et tendresse le portrait d’une société rurale qui lui est chère.
Le texte n’est pas monolithique, il laisse une grande part de liberté à l’imagination des metteurs en scène et comédiens, mais aussi des lecteurs… car cette chronique villageoise se laisse lire avec le même plaisir qu’elle se découvre à la scène.