La fille du train

 

aff-fille-trainLa fille du train de Tate Taylor d’après le roman de Paula Hawking ; avec Emily Blunt, Rebecca Ferguson, Haley Bennett, Justin Theroux

—-Par Guy Gabriel—-

Rachel prend tous les jours le train et passe devant la même maison. Dévastée par son divorce, elle a sombré dans l’alcoolisme, elle fantasme sur le couple qui y vit et leur imagine leur vie parfaite…jusqu’au jour où elle est témoin d’un événement qui la choque et se retrouve étroitement mêlée à un angoissant mystère

L’adaptation de ce best-seller littéraire de l’année, signé Paula Hawkins, était l’idée casse-gueule par excellence, car le portrait croisé de ces trois femmes hors norme, surtout celui de Rachel, ne manquait ni d’originalité, ni d’ambiguité ; cependant, contrairement à beaucoup d’avis, le film retranscrit efficacement l’ambiance du roman, en sachant à la fois prendre la distance nécessaire pour éviter la tentation du copier-coller dévastateur et faire un objet filmique tout-à-fait honnête.
Plus proche de
Fenêtre sur cour (par son côté voyeur) de Hitchcock que de Gone girl (pour la disparition) de David Fincher, La fille du train est un excellent thriller psychologique, avec ses zones d’ombre qui souligne bien l’obsession de Rachel, héroïne borderline, alcoolique, qui fantasme sur la vie des autres, après avoir raté la sienne.
Le regard brouillé par une sorte de paranoïa nous fait entrer dans la vie de personnages aussi trouble que la sienne, qu’il s’agisse de Megan ou d’Anna, et nous amène à aller au-delà des apparences, car personne n’est vraiment ce qu’il semble être ; du coup le doute s’installe dans le quotidien de chacun. Le film prend souvent des sentiers si sinueux que la vérité est elle-même distordues ; du coup les illusions s’envolent, le mensonge s’installe, la tromperie également ; on est donc dans une intrigue retorse avec déni, fantasme, mémoire défaillante où les fantasme du passé réapparaissent en activant la tension du film.

Qui est coupable, qui manipule qui ? Le mystère s’épaissit pour donner un polar plutôt efficace qui se savoure sans réserve, en respectant fidèlement le propos du roman, qui parle d’addiction à l’alcool et de ses dégâts et dresse des portraits de femmes perturbées dans leur relation à l’autre, notamment avec les hommes de leur vie ; un chassé-croisé bien maîtrisé.
Tout cela vaut aussi et, surtout, grâce à une interprétation intelligente de la comédienne britannique Emily Blunt (
Sicario de Denis Villeneuve, Le diable s’habille en Prada de David Frankel , Edge of To Morrow de Doug Liman) qui casse son image un rien glamour et hante le film par une allure fantomatique, obsédée par son ancien mari et nouveau mari d’Anna, et, bien entendu par le couple Jason et Megan, la disparition de cette dernière affolant la machine.
La fille du train est un thriller haletant qui nous plonge au cœur d’une enquête qui multiplie les pistes avec des indices fournis par une héroïne trop perturbée pour en accorder trop de crédit ; tout cela sur une construction qui ne ménage pas le suspense grâce au mélange des trois points de vue de Megan, Anna et Rachel. Où est le vrai, où est l’affabulation ?

Comme le dit Paula Hawkins, le livre comme le film, reste un « divertissement à suspense mais je souhaitais y aborder le problème de l’alcoolisme au féminin » et, elle se dit « ravie que ce thème reste central dans le film » ; elle reste « bluffée par la performance d’Emily Blunt qui rend parfaitement la complexité de (mon) personnage » ; nous aussi. Elle a également été séduite par la façon dont « Tate Taylor a bien saisi le message féministe que le livre recèle » ; c’est d’autant plus vrai que Taylor transforme le policier masculin du livre en une femme flic au tempérament bien trempé.

Guy Gabriel