La bonne santé mordante d’un « Malade imaginaire »

— Par Gérald Rossi —

Dans sa mise en scène, Michel Didym exploite à fond la redoutable dynamique comique et sociale de cette dernière œuvre de Molière, qui, jusqu’à son dernier souffle brocarda avec rage les discours des médecins.

Règlement de comptes. Le Malade imaginaire dernière pièce écrite par Molière, est donnée au théâtre du Palais Royal à Paris, le 10 février 1673. Une semaine plus tard, au sortir de scène il meurt, à l’âge de 51 ans. Autant usé par la maladie que par les traitements d’une médecine encore balbutiante. Dans la mise en scène qu’il en propose, Michel Didym, un peu comme s’il avait lui aussi un compte à régler avec Hippocrate, serre à son tour la mécanique. Avec une charge comique remarquable. Le directeur du CDN de Nancy voit il est vrai dans cette œuvre « comme un accomplissement, l’aboutissement de toute sa dramaturgie. C’est sans conteste le chef d’œuvre absolu de Molière. Le Malade imaginaire, c’est tout Molière, comme dans Hamlet il y a tout Shakespeare » dit-il.

Un ‘’Malade’’ qu’il dit encore traiter « avec respect ». Autrement dit sans adaptation particulière pour faire « moderne ». Le décor est réduit à l’essentiel, et le vaste rideau brillant de fond de scène se prête bien au jeu. Quand il faut s’assoir, deux sortes de banquettes à cour et à jardin font l’affaire, un gros fauteuil et une table complètent le mobilier. Les costumes (de Séverine Thiébault avec les ateliers du théâtre de Liège) ne sont pas plus tape à l’œil, sinon qu’ils sont exactement à la mesure de la réussite.

Question de liberté

Car ce « Malade » est une sorte de petit bijou au naturel. Avec d’abord et avant tout un respect de la parole de l’auteur. De la musique des mots, et de l’idée, servis par une distribution très bien rodée. Plusieurs rôles sont joués en alternance (longue exploitation et tournée obligent) et le soir de notre venue, André Marcon avait revêtu le costume d’Argan, Norah Krief celui de Toinette, avec Catherine Matisse, Bruno Ricci, Jean-Marie Frin, François de Brauer, Jean-Claude Durand, sans oublier Jeanne Lepers (1). Cette dernière propose une Angélique (fille d’Argan) qui s’impose en majestueuse grande dinde très drôle, que l’on pourrait croire à demi idiote, mais qui incarne très vite à merveille la jeune fille espérant se libérer des contraintes imposées par l’éducation et l’époque… A savoir vivre libre.

Car au delà de la charge contre les médecins incapables et leur charabia version « latin de cuisine » en guise d’éloquence masquant leur obscurantisme et autre positions aussi rances, c’est bien de l’émancipation de la femme que parle Molière…

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(1) En Alternance avec Michel Didym, Agnès Sourdillon, Pauline Huruguen, Barthélémy Meridjen, Didier Sauvegrain, avec dans le rôle de la petite Louison : Lou Beauverger, ou Clotilde Caudron, Inès Duchene, Rose Pariaud, Adèle Saglio, Lou Vilgard-Nizard.

Jusqu’au 31 décembre du mardi au samedi à 20h45, plus matinées samedi 16h, et 14h les 24 et 31 décembre. Théâtre Dejazet, 41, bd. du Temple Paris 3e. Tél.: 01 48 87 52 55