L’été des poissons volants

A Madiana le 24.02.2015 à 19h30 V.O

ete_des_poissons_volantsSynopsis et détails

Manena est une adolescente déterminée et la fille adorée de Pancho. Ce riche Chilien, grand propriétaire foncier, ne consacre ses vacances qu’à une seule obsession : l’invasion de sa lagune artificielle par des carpes. Alors qu’il recourt à des méthodes de plus en plus extrêmes, Manena connaît cet été ses premiers émois et déboires amoureux – et découvre un monde qui existe silencieusement dans l’ombre du sien : celui des travailleurs indiens Mapuche qui revendiquent l’accès aux terres, et s’opposent à son père.

Dans les InRocks : Beau film d’ambiance chilien, où la nature s’immisce dans le conflit larvé entre deux communautés.

Une première œuvre sensible, voire envoûtante, confirmant une nouvelle fois qu’après l’Argentine, la renaissance cinématographique de l’Amérique latine passe par le Chili.

Pour aller vite et résumer, on dira que cette geste lacustre et campagnarde (les vacances d’une famille bourgeoise sur ses terres au bord d’un plan d’eau) tire toute sa force du climat hanté que distille le paysage ; il contamine irrémédiablement les êtres qui vivent en symbiose dans ce coin presque sauvage du sud du Chili.

Le sujet apparent est le sourd antagonisme entre les deux communautés en présence : les Indiens mapuches et les descendants des colons européens. Mais la mise en question (certes louable) du racisme persistant en Amérique latine compte moins que la manière diffuse et elliptique dont la cinéaste intègre cette donnée à un plus vaste tableau impressionniste.

Tout, ou presque, passe par le filtre subjectif d’une adolescente curieuse et ouverte, Manena, qui découvre la sensualité amoureuse en même temps qu’elle s’immerge dans cette nature à la fois hostile et indifférente,
dont les Indiens mapuches sont à la fois l’émanation et les gardiens.

Une étrangeté indicible, souterrainement sous tendue par la partition organique du musicien russe Alexander Zekke, qui ajoute une tonalité dissonante à cette chronique estivale, dont la plus grande qualité est de se cantonner fermement dans la suggestion.

On peut trouver une certaine parenté thématique et suggestive entre cette première fiction d’une documentariste, Marcela Said, et un autre film chilien, le récent Magic Magic de Sebastián Silva, qui partait d’un constat et d’une ambiance similaires pour frôler le film d’horreur. Mais ici on navigue dans un entre-deux indécidable. C’est justement pour cela que le film nous travaille plus en profondeur.
par Vincent Ostria

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