Juifs, musulmans et chrétiens, ils s’amusent à déconstruire les préjugés

juif_catho_muslimREPORTAGE – Deux mois après les attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher, certains veulent continuer à perpétuer « l’esprit du 11 janvier ». C’est le cas des membres de l’association Coexister, créée en 2009, qui luttent pour favoriser le vivre ensemble. Jeudi dernier, le groupe était dans un lycée à Saint-Denis pour déconstruire les préjugés des élèves.

Un juif, un musulman, une catholique, une agnostique et une athée. Sur scène ce jeudi 12 mars, le casting se veut volontairement éclectique. Face aux plus de 200 lycéens de première générale et technologique du lycée privé Jean-Baptiste de Salle de Saint-Denis (93), la bande de Coexister, association créée en 2009 après l’opération Plomb Durci à Gaza, essaye d’abord de démontrer le vivre-ensemble par l’exemple. La coexistence plutôt que la tolérance : « Tolérer c’est passif, il n’y a pas la curiosité d’aller vers l’autre. Nous on veut vivre ensemble, pas vivre côte à côte. En France ça fait 50 ans qu’on se tolère, on voit où ça nous a mené », plaide Agathe, blonde dynamique de 23 ans et agnostique.

Après les présentations d’usage de l’association, les membres du groupe passent aux choses sérieuses et demandent aux lycéens d’inscrire sur une feuille les trois premiers mots qui leur viennent à l’esprit quand il pense au judaïsme, à l’islam, et au christianisme. Premier grand gagnant de l’expérience, les préjugés. Pour le judaïsme, les élèves ont inscrit la « torah », « kippa », « shabbat »; « casher », « synagogue » mais également « banque », « riche », « radin », « contrôle le monde », « peuple maudit », « gros nez », « sans terre », « traîtres », « argent », « sionisme » et « Sarcelles ». Pour l’islam, « coran », « Allah », « Ramadan », « mosquée » mais aussi « terroristes », « invasion », « femmes soumises », « violence » et… « couscous ». Enfin pour le christianisme, les lycéens ont écrit « Jésus », « trinité », « pape », « église », « messe » mais aussi « croisade », « vieux » et « pédophile ».

L’humour comme remède aux préjugés

Philippe, 30 ans, conseiller juridique à l’OCDE et qui se définit comme juif, prend la parole. C’est lui qui est chargé de déconstruire les préjugés sur les juifs. Et pour cela, rien de tel que l’humour. « Vous savez quelle est la ville d’Europe avec la plus grande proportion de Juifs? » « C’est Sarcelles », répond une personne sur la salle. « Et vous savez, quelle est la ville la plus riche du monde? Bah Sarcelles voyons », enchaîne-t-il entraînant de larges éclats de rires dans l’affluence. L’absurdité comme remède aux préjugés. « On fait cet exercice pour que les élèves se vident. On vient déconstruire le raisonnement par l’humour. Les élèves sont assez réceptifs en général », éclaire Agathe. « Ca fonctionne mieux quand ça vient directement des jeunes », abonde Elisabeth Chauvin, directrice adjointe de l’établissement.

Par moments on a même presque l’impression d’assister à une représentation du Jamel Comedy Club. « Est-ce qu’il y en a parmi vous qui vivent au XIe siècle? Parce que les croisades, ça fait longtemps que c’est fini », se marre Ismaël, 21 ans, musulman, qui étudie les Relations internationales et l’arabe à l’Inalco. Plus sérieux, il démonte patiemment le préjugé sur le lien entre terrorisme et l’islam. »La plupart des victimes du terrorisme musulman sont musulmanes », rappelle celui qui est devenu un habitué de ce genre de prestations depuis son tour de monde interreligieux avec Coexister…

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