Jazz, une ode au désir et à la conscience

jazz_manLe coffret de l’anthologie

Avec ses conférences et sa superbe anthologie « Jazz Magazine Jazzman – Les grandes voix Jazz, Blues et Soul », le spécialiste Lionel Eskenazi comble les mélomanes.

La Great Black Music est bien davantage qu’une expression stylistique. Ce grand mouvement musical n’a cessé de porter en lui les graines de la résistance. On le vérifie aisément avec la précieuse anthologie en 5 CD et en 100 titres, « Jazz Magazine Jazzman – Les grandes voix Jazz, Blues et Soul » (1925-2009), disponible pour seulement 23 euros. Plume émérite du mensuel « Jazz Magazine – Jazzman », Lionel Eskenazi, dont nous vous livrons une interview ci-dessous, a veillé à effectuer une sélection représentative de la démarche de l’historique magazine : éclectisme et exigence musicale, science et conscience.

Saluons son labeur : en réunissant des enregistrements allant de 1925 à 2009, il ne s’est pas contenté, comme cela se fait dans la majorité des compilations existantes, de se limiter à des titres exemptés de droit (car anciens et passés dans le domaine public). Il lui a fallu négocier avec les maisons de disque pour que celles-ci acceptent de céder des morceaux. La sélection traverse, à pas de géants, neuf décennies et une large diversité de styles, de Bessie Smith (« I Ain’t Got Nobody », 1925), pionnière du blues, à la quadragénaire Erykah Badu, égérie d’une soul irriguée de hip-hop et R’n B.

D’Otis Redding à Gregory Porter, de Billie Holiday à Gil Scott Heron…

Les perles se succèdent, qu’elles aient été enregistrées par des génies insurgés disparus – Otis Redding, Billie Holiday, John Coltrane, James Brown, Nina Simone, Luther Allison, Abbey Lincoln, Gil Scott Heron… – ou par les forces vives de notre époque – l’iconoclaste bassiste, vocaliste et compositrice Me’Shell Ndegeocello, Outcast (fameux tandem de rap, originaire d’Atlanta), le bluesman philosophe Eric Bibb (filleul du mythique artiste Paul Robeson, que poursuivit le maccarthysme), ou encore le nouvel astre du jazz vocal, Gregory Porter (notre photo), et son évocation de la lutte pour les droits civiques aux Etats-Unis (« 1960 What? »). À noter, l’exceptionnel duo enregistré en 1969 par le saxophoniste et activiste afro-américain Archie Shepp avec la chanteuse Jeanne Lee, décédée en 2000.

Des conférences-concerts d’une grande originalité

Lionel Eskenazi reprend son bâton de pèlerin, à l’occasion de chacune de ses conférences sur le jazz. Ces dernières se déroulent au Sunside, réputé club de jazz (rue des Lombards, Paris). Elles ont le mérite d’associer de chevronnés musiciens, qui illustrent ou développent son propos. Après sa conférence du dimanche 6 avril, portant sur la contrebasse et conviant le contrebassiste, compositeur et improvisateur Jacques Vidal, explorateur de cet instrument essentiel dans le jazz, Lionel Eskenazi nous donne rendez-vous le dimanche 4 mai, toujours au Sunside : pour un hommage au contrebassiste, compositeur et « homme en colère », Charles Mingus, avec la participation de Jacques Vidal (contrebasse), Pierrick Pédron (saxophone), Daniel Zimmermann (trombone), Xavier Desandre Navarre (percussions) et Isabelle Carpentier (chant). Chaque fois, le Sunside est comble. Ceux qui n’ont pu obtenir une place pour la conférence d’aujourd’hui peuvent réserver pour celle du 4 mai. En attendant, rencontre avec un spécialiste qui entretient la flamme de la passion.

Lire l’entretien avec Lionel Eskenazi sur l’Humanité
http://www.humanite.fr/jazz-une-ode-au-desir-et-la-conscience