J-F Boclé : de la galerie Arsenec à la Saatchi Gallery !

pangea2Le 11 Mars 2015, la Saatchi Gallery à Londres a ouvert Pangaea II: New Art d’Afrique et d’Amérique latine, la deuxième tranche  d’un travail de mise en relation des deux anciens continents frères. Cette exposition  qui présente des oeuvres de 18 artistes émergents offre un vaste aperçu leur travail en cours de production dans le contexte de l’actuelle complexité dans leurs pays respectifs. Témoins de la transformation de leurs sociétés, les artistes travaillant dans ces deux régions distinctes sont de plus en plus basés dans des villes qui se transforment à un rythme sans précédent. Leurs travaux  qui hybrident des techniques et des matériaux traditionnels et contemporains, sont porteurs d’une réflexion sur les questions sociales et politiques rencontrées au cours de cette  période d’intenses bouleversements économiques et urbains. A travers la sculpture, la peinture, l’installation et la photographie, Pangaea II: New Art d’Afrique et d’Amérique latine explore les influences culturelles et les pratiques créatives florissantes dans les deux grands continents autrefois réunis dans Pangaea, ce supercontinent formé au Carbonifère regroupant l’ensemble des terres émergées.

C’est un enfant du pays, né à Fort-de-France, qui entre aujourd’hui dans l’une des plus célèbres galeries du monde la Saatchi Gallery à Londres. Charles Saatchi possède par ailleurs une des plus importante collection d’art contemporain. Il vient d’y ajouter, dans le cadre de l’ Exposition Pangaea II: New Art From Africa and Latin America ( voir ci-après) qui se tient à Londres du 11 mars au 6 septembre l’installation « Tout doit disparaître ! » de Jean François Boclé. L’installation qui est mise en valeur dans la salle numéro 1 de l’espace est un mémorial du Black Atlantic ( une mer de sacs de plastiques.) qui avait fait l’objet de nombreuses présentations de par le monde entier. J-F Boclé mène depuis 2001 de nombreux travaux autour de la thématique de l’esclavage. On peut citer de mémoire, le Outre-Mémoire Project (projet croisant musique contemporaine et arts visuels, avec le compositeur d’origine martiniquaise Thierry Pécou et le pianiste classique Alexandre Tharaud) qui a été donné en 2004 à Prague, Rouen, Vitry-sur-Seine, en 2005 à Bogota, Quito, CAC Le Parvis à Ibos, …, en 2013 à la Philharmonique/Cité de la musique et bientôt à la Saatchi Gallery

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À propos de l’installation « Tout doit disparaître ! »

Texte de Oseil Bonsu, auteur et curateur indépendant

Exposition Pangaea II: New Art From Africa and Latin America
Saatchi Gallery, Londres, 11 mars au 6 septembre 2015

tout_doit_disparaitreLes installations métaphoriques de Jean-François Boclé proposent une zone de friche dans laquelle les ruines de la civilisation reposent sur ses propres désenchantements. Le processus alchimique de l’artiste consiste à insérer des objets du quotidien dans un réseau de relations, mettant en évidence des dialectiques telles que capitalisme et consumérisme, privilèges et injustices, etc. La façon ludique qu’il a de s’approprier les choses et les gestes s’enracine dans la question de la conscience postcoloniale et l’histoire collective. Des bananes scarifiées d’écrits politiques, des peintures au chocolat Banania, des sacs éclatés et des boîtes de carton aplatis, symbolisent la communication de récits historiques. Ils se chargent inévitablement d’une multiplicité de significations et d’associations, sans oublier ce dernier composant : le public.

Né à Fort-de-France en Martinique, Boclé a quitté son pays à l’adolescence pour l’exil. La notion de créolisation qui définit l’essence géographique et intellectuelle des Antilles est au cœur de cette exploration artistique de l’histoire. Les implications transnationales, interraciales et interculturelles du colonialisme forment les bases de la pratique multidisciplinaire de Boclé. La toxicité, lorsqu’elle se rapporte explicitement aux périls écologiques qui affectent la planète, mais également le racisme ambiant de l’Europe coloniale, constitue la scène où se manifestent les références connexes de l’artiste. Les souvenirs d’enfance, contaminés par un sentiment de déplacement, vont s’enraciner dans un grand récit de l’hybridation et de l’identité post-coloniale.

Dans ses installations monumentales (Tout doit disparaître!, 2001) une mer de sacs de plastique bleu forme un abîme, sorte de mémorial pour ces vies perdues lors de la traite négrière transatlantique. Des sacs en plastique de supermarché emplis d’air nous disent la richesse inestimable qui est celle de la vie elle-même. Son monument signale ce qui a été perdu au cours des échanges historiques tandis que ces dizaines et parfois centaines de milliers de sacs drainent une force symbolique. L’art signifie alors un acte de disparition, l’installation un lieu de perte qui va au-delà de la mémoire, rendant visible l’irreprésentable.

La charge sensorielle de l’installation de Boclé résulte de son pluralisme qui déploie une gamme de significations variées et déroutantes. La théorie de la créolisation, pertinente tant au regard de la propre biographie de l’artiste que de la production artistique contemporaine, demeure attachée au théoricien et poète Édouard Glissant et à son « idée d’un processus en cours capable de produire de l’identique et du différent. Dans le retour qu’effectue Boclé sur le récit colonial, la déshumanisation se traduit par des objets familiers qui trouvent leur paradoxe ultime dans la mer, là où se rencontrent les vagues anciennes, nouvelles et globalisées.

© Osei Bonsu, 2014

Pangaea: New Art De Afrique et en Amérique latine dispose d’oeuvre de Dawit Abebe, Aboudia, Eduardo Berliner, Jean-François Boclé, Armand Boua, Pia Camil, Alida Cervantes, Virginia Chihota, Alexandre da Cunha, Federico Herrero, Diego Mendoza Imbachi , Eddy Ilunga Kamuanga, Jorge Mayet, Ibrahim Mahama, Boris Nzebo, Alejandro Ospina, Ephrem Salomon et Mikhael Subotzky.

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