« Intra-muros », m.e.s. d’Alexis Michalik : magistral!

 — Par Roland Sabra —

D’Alexis Michalik, la Martinique a pu voir récemment « Le porteur d’histoire », pièce inaugurale d’un succès qui se confirme d’œuvre en œuvre.

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Qu’il s’agisse du « Cercle des illusionnistes », ou d’« Edmond » et maintenant d’ « Intra-muros » elles se jouent à guichet fermé et les listes d’attentes sont longues. On mettra en regard de cette gloire naissante le fait que chaque jour à Paris et en Ile-de-France, plus de 300 pièces sont jouées , faisant de la France une exception culturelle sans équivalent dans le monde. (Source : L’Officiel des Spectacles, n° 3667). La reconnaissance dont jouit Alexis Michalik est donc celle d’un public exigeant confronté à une offre pléthorique et d’une qualité singulière.

Les travaux du metteur-en-scène relève de deux approches différentes en fonction de la structure qui accueille leur création. Pour les théâtres privés il présente un texte qui a pour but de rassurer les financiers toujours sensibles aux enjeux économiques d’une création. Pour les théâtres publics il préfère créer sur le plateau à partir d’improvisations dirigées. Les dialogues, le texte sont inventés à la mesure de la composition de la mise en scène. C’est cette façon de faire qui a participé au succès du Porteur d’histoire et avec laquelle Michalik renoue par goût, par plaisir et pour le bonheur du spectateur avec Intra-muros.

L’argument a pour motif un metteur en scène sur le retour, Richard, qui vient dispenser un premier cours de théâtre dans une Maison centrale, une prison qui prend en charge les détenus condamnés à de longues peines et accueille également les détenus les plus difficiles, ou ceux dont on estime qu’ils ont peu de chances de réinsertion sociale. Alors qu’il espère une forte affluence, qui entrainerait d’autres cours –– et d’autres cachets— seuls deux détenus se présentent. Kévin, un jeune chien fou et Ange, la cinquantaine taiseuse, voire mutique, qui n’est là visiblement que pour accompagner son ami. Richard est secondé par Jeanne une de ses anciennes actrices, –– accessoirement son ex-femme — et par Alice, une assistante sociale inexpérimentée. Il décide de donner tout de même sa première leçon de théâtre.

De ce cours inaugural va découler une introspection sur le pourquoi et le comment de leur détention, sur le rapport au temps et à l’espace qui les différencie de ceux qui sont dehors. Va naitre de ce travail une histoire à tiroirs, romanesque, captivante, pleine de rebondissements.

Théâtre dans le théâtre qui joue de son fort tropisme cinématographique pour emporter l’attention de flash-back en flash-back dans lesquels les fondus enchainés sont imagés par l’éclairage sous un projecteur douche d’un personnage tandis que le reste de la scène disparaît dans l’ombre pour permettre aux autres comédiens de changer le décor qui reste quoiqu’il en soit d’une grande sobriété avec cette touche, comme un hommage à Peter Brook, d’un tapis rectangulaire au milieu du plateau. Là encore les changements de costumes se font sous les yeux du public, pour mieux souligner que le mystère du théâtre ne loge pas dans les coulisses mais dans la forme que prend la narration qui toujours présuppose la capacité du spectateur à en faire l’élaboration et à en dégager l’intelligence. L’histoire se dessine donc par touches impressionnistes. La compréhension d’une scène se dévoile souvent dans le déroulé des suivantes et c’est dans l’après coup de la pièce que le sens général qui la porte se construit.

Leur participation, leur implication, leur engagement dans l’élaboration du propos transpirent dans le rythme et le jeu des cinq comédiens, Jeanne Arenes (déjà récompensée d’un Molière pour « Le Cercle des illusionnistes »), Bernard Blancan, Alice de Lencquesaing, Paul Jeanson et Faycal Safi. Sans oublier le musicien-bruiteur Raphaël Charpentier, qui assure l’indispensable fond sonore de la pièce.

Intra-muros inaugure jusqu’au 16 avril la rénovation du Théâtre 13 après une longue période de travux. Elle part à La Réunion sur la scène nationale et sera présente au Festival d’Avignon. Et toujours la même question : à quand en Martinique ?

Paris, le 06/04/2017

R.S.

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Intramuros

Auteur et mise en scène : Alexis Michalik
Avec :  Jeanne Arenes, Bernard Blancan, Alice De Lencquesaing, Paul Jeanson, Faycal Safi et le musicien Raphaël Charpentier