« Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée »

 Au T.A.C. de F-de-F les 11, 12 & 13 décembre 2014

— Par Selim Lander —

musset-1Un « Proverbe » : une comédie à deux personnages, trop brève pour faire à elle seule l’objet d’un spectacle. Isabelle Andréani a eu l’idée de lui adjoindre un prologue « pédagogique », non pour expliquer la pièce – qui ne le réclame pas – mais pour présenter Musset aux spectateurs. Il plaira même à ceux qui n’en apprendront rien, tant il est habilement construit et joué. Nous sommes dans le grenier du domicile de Musset, sa bonne et son cocher nouvellement engagé cherchent les harnais pour atteler la voiture du maître. Un maître dont ils sont tous les deux entichés au point de connaître par cœur certains de ses poèmes. Dans une cassette se trouvent de vieilles lettres parmi lesquelles l’échange de lettres codées (apocryphes) entre George Sand et Musset au contenu nettement pornographique. Le-dit échange se clôt sur deux vers de G. Sand (« Cette insigne faveur que votre cœur réclame / Nuit à ma renommée et répugne à mon âme ») dont il faut seulement retenir les deux premiers mots, « Cette nuit » : c’est dès cette nuit-là que Sand est prête à se donner à Musset…

Découvrant qu’ils connaissent tous les deux par cœur Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée, nos deux protagonistes décident de le jouer. Alors commence la pièce dans la pièce. C’est un badinage amoureux qui mérite d’être (ré)entendu. La marquise se moque allègrement du comte qui essaye de faire sa déclaration ; impitoyable, elle souligne la pauvreté et la banalité des mots que les hommes trouvent à dire aux femmes : « dans ces tristes instants où vous tâchez de mentir pour essayer de plaire, vous vous ressemblez tous comme des capucins de cartes ». Le comte, d’abord assommé par cette vindicte, finit par se rapatrier, faisant valoir « que [si ]l’amour est immortellement jeune, […] les façons de l’exprimer sont et demeureront éternellement vieilles ».

On prend beaucoup de plaisir à regarder jouer I. Andréani et son partenaire Xavier Lemaire. Ils instaurent un sentiment de décalage troublant dû au fait qu’ils endossent le rôle de la marquise et du comte alors que nous les connaissons d’abord comme la bonne et le cocher dont ils ont d’ailleurs gardé la tenue : ils parviennent à se rendre crédibles dans leurs personnages de nobles tout en demeurant dans notre esprit les domestiques du début de la pièce. Sans doute cela n’est-il pas pour rien dans le succès de cette pièce qui ne se démentit pas puisqu’elle a dépassé les 400 représentations !

Au festival d’Avignon 2014 et à Fort-de-France, au Théâtre municipal, les 11, 12 et 13 décembre.