« Frères de sang », création de la compagnie Dos à deux

 Artur Ribeiro , André Curti, Présence Pasteur, Avignon off, du 9 au 31 juillet

— Par Michèle Bigot—

 freres_de_sang-2Frères de sang est un spectacle théâtral total dans lequel la pantomime la danse, et plus largement la gestualité, accompagnées et rehaussées par le jeu des lumières, des mouvements des déplacements constituent un système de significations des plus denses.

Sans le secours d’aucune parole, les personnages installent peu à peu tout le jeu des relations complexes qui unissent et divisent les familles.

Toute la charge affective qui irrigue la fratrie, dans sa relation orageuse avec la mère est rendue sensible dans une série de scènes archétypiques de la vie familiale. Tout commence avec les retrouvailles des frères : le père vient de mourir, les frères se chargent de la toilette mortuaire.

 

La mort du père autorise alors une plongée dans l’enfance. A partir de ce bond dans le passé, la construction narrative suit le fil chronologique de la vie familiale, la petite enfance, les jeux, les rivalités, les naissances, et tous les accidents de la vie. Le père quitte le foyer, les garçons se retrouvent seuls face à la mère, entre déchirement de la jalousie et complicité contre la figure maternelle aussi aimée que redoutée.

 

Les scènes comiques alternent avec les plus dramatiques voire les plus pathétiques. L’émotion est toujours intense ; elle est palpable dans le silence tendu des spectateurs. L’ambiance est lourde, chargée par les jeux d’ombre. Le noir s’impose largement dans les éclairages, tous les modes de rotation règlent le mouvement, le silence est pesant, parfois brisé par les bruits grinçants des jeux et des bagarres entre frères. Car entre frères, même la tendresse est brutale, tant dans la rivalité que dans les cajoleries maladroites qu’ils dispensent à leur mère. Et la mère semble perdue dans ce tourbillon émotionnel, marionnette désarticulée, fantoche tiraillé entre sa vie de femme et le devoir maternel, dépassée par tout ce débordement affectif qu’elle ne peut endiguer.

 

Par un effet de clôture des plus attendus, le drame se termine comme il avait commencé , mais par inversion des événements de retrouvaille/séparation des frères, s’éloignant définitivement dans l’ombre de l’oubli.

 

Au total un spectacle d’une intense émotion, qui touche chacun dans le plus sensible de son histoire personnelle.