Festival des Petites Formes 2 ème édition. Bilan d’étape

À voir, à boire et à manger !

— Par Roland Sabra —

Presque toujours à la fin des représentations étaient offerts aux spectateurs thé parfumé et galettes de manioc . Une bonne idée. L’occasion de dire autour de ce qui avait été proposé. Ou de n’en rien dire…

Tout a commencé par « L’aliénation noire » avec des avis « globalement positifs » qu’on1 lira ici et .

Le second soir on1 a ( j’ai ) touché le fond de l’ennui et de la honte. L’ennui n’est rien, reste la honte. La honte pour ces comédiennes et comédiens en apprentissage qui lisaient des textes qui n’avaient été l’objet d’aucune lecture à la table, d’aucune explication, d’aucune analyse et auxquels ils ne comprenaient rien. Comment une telle chose a -t-elle pu être, montée, montrée et par quel manque de vigilance ? L’image de Tropiques-Atrium s’est assombrie ce soir là. Le titre ? « Dommages à Vincent Placoly ».

Puis il y eut «  Circulez » auquel « on » (je) n’ajoutera pas le trop facile « Y’a rien à voir ». Selim Lander en a fait une critique plutôt flatteuse. Ce n’est pas un avis partagé par tous à commencer par moi. De quoi s’agissait-il ? Un policier de retour au pays natal après 25 ans passés dans l’hexagone enquête sur une la mort mystérieuse d’un père de famille lors d’un accident d’automobile. Interrogé le fils de la victime, seul survivant, use du registre de la pensée magico-religieuse, invoque des esprits etc. alors que l’inspecteur, avec un quart de siècle d’acculturation tente de se maintenir dans une rationalité héritée et mal assimilée. Il finira bien sûr par craquer et abandonner ce costume « estranger » (il se déshabille d’ailleurs sur scène, pour qui n’aurait pas compris) pour découvrir un lien, plus intime qu’il ne pouvait imaginer, avec le rescapé de l’accident. Thématique intéressante mais discutable de celle de la confrontation de deux modes de pensées différents. L’implicite de la démonstration est sujet à caution. Le retour au pays natal s’accompagne du retour à des formes culturelles que la plongée « occidentale », pourtant bien prolongée, n’a pas effacées. Il y a là cette idée d’une permanence d’une culture première, inoubliable, qui relève d’une essence à jamais immuable ! Le destin de l’homme ne lui appartient pas il est en d’autres mains, la bêtise mille fois entendue du « Si dieu le veut » le dit assez bien. Le public est flatté. Il est caressé dans le sens du poil. Adieu la liberté ! Essentialisme et déterminisme absolu font la paire. Tout est joué (avant trois ans?). Circulez et il faut bien s’y résoudre : y’a rien à voir.

Ça c’était pour le fond. Pour la forme, sur scène, il y avait un comédien et son frère qui tentait de lui donner la réplique. Dans ces conditions la direction d’acteurs, pour ne citer qu’elle, relevait de la chimère. Et le reste de la même eau.

Je n’ai pu partager la «  Nuit de la poésie avec Nicole Cage & Widad Amra » et je le déplore d’autant plus que Janine Bailly de sa plume talentueuse en fait une restitution qui avive mes regrets.

Et puis il y eut enfin un miracle : « Médée Kali » qui en dépit de petits problèmes techniques, une première vidéo qui coince et qui déstabilise un peu la comédienne, Karine Pedurand, un miroir récalcitrant difficile à déplacer et qui efface un effet d’optique  pourtant réfléchi (!), Médée Kali, donc, un petit bijou, à l’esthétique sombre et brûlante. Un texte poétique qui bouleverse l’âme et prend au ventre. Une scénographie inventive et subtile. Une mise en scène soignée et mûrie. Que demande le peuple ? Encore et encore !

Françoise Dô, Karine Pedurand… la relève est là. D’une qualité incomparable avec ce ( ceux) qui l’a précédée. Il n’y a pas à désespérer du théâtre antillais.

Il reste à évoquer le problème des lieux. « Médée Kali » dans la grande salle de Tropiques-Atrium, parce qu au matin du jour il y a avait eu une scolaire était un mauvaise idée Ce théâtre, tout comme la poésie, exige un espace plus intime. La misère de l’hommage à Vincent Placouly n’avait pas besoin du parasitage des conversations et disputes venues des baraquements proches, trop proches, du chapiteau. Ce chapiteau qu’il semble difficile de faire voyager en commune faute d ‘appétence de ces dernières pour la chose culturelle ? Ne servira-t-il donc qu’aux exhibitions politiques des prochaines campagnes électorales ? Auquel cas il serait l’illustration d’une fausse bonne idée à laquelle j’avais souscrit. Son installation justifiée au Marin l’est-elle encore dans la commune limitrophe de Fort-de-France, à Schoelcher en l’occurrence, dans un endroit éloigné du centre ville?

Plus sérieusement peut-être y a-t-il aussi à revoir le déroulé des activités de Tropiques-Atrium. Se concentrent par période, une multitude de propositions qu’il est difficile d’honorer toutes à la fois. Par exemple les séances de cinéma en V.O. concurrencent des spectacles de danses, de théâtre, de concerts alors que par ailleurs des plages restent vides.

Fort-de-France, le 26/01/2017,

R.S.

1« On » ne me pardonnera pas d’utiliser le « on » très mode en ces temps -ci même si celui-ci a été théorisé par Heidegger comme une forme d’existence vouée à l’inauthenticité et à la banalité. « Le “on” est celui qui, dans l’existence quotidienne, décharge l’être-là. »