Être une femme migrante : le cumul des peines…

 

par Muriel Ameller, militante féministe

 

Quand on parle de femmes migrantes et/ou immigrées, on pense de suite à la lutte pour la régularisation des papiers de séjours. Mais cette seule bataille gagnée, tout ne devient pas limpide et facile dans la société d’accueil pour toutes ces femmes. Sur du long, voire très long terme, doit être menée la rude bataille de leur citoyenneté, de leur reconnaissance, de leur considération dans cette société qui se prétend libératrice et sympathique, sur le plan tant privé que public et professionnel.

La plupart des femmes recherchent par l’exil – pour les mêmes raisons économiques, sociales et politiques que les hommes – un espoir d’amélioration de vie pour elles-mêmes, mais surtout pour leur famille. Néanmoins, aujourd’hui, elles sont moins des « suiveuses » de conjoints mais plutôt des actrices de leur immigration. Sous les statistiques diverses existent des femmes fortes, courageuses, résistantes, qui luttent quotidiennement, travaillent régulièrement, souvent dans des travaux que personne d’autre ne veut faire, se responsabilisent face à de nouveaux modes culturels de vie, s’engagent dans des associations, combattent pour leur qualité de vie et meurent souvent en exil. Elles vivent de graves dangers dans leur parcours migratoire, à la fois femmes et migrantes :

– Sur le plan du travail, préjugés et discriminations racistes comme sexistes entraînent une exploitation abominable, les déqualifications professionnelles, les bas salaires, les carences de soins, l’absence de recours juridique ou syndical…..

– Sur le plan public : la migration expose ces femmes à un risque élevé de mauvais traitements et de violence physique et sexuelle. Elles sont traitées bien souvent comme des proies « faciles », fragilisées par leur situation de migrantes. Elles subissent la domination masculine des premiers hommes qui les accompagnent (passeurs ou autres) dans leur exil, puis parfois des forces de police et de certains hommes, migrants ou non, qu’elles rencontrent.

– Sur le plan privé : les femmes migrantes victimes de violence conjugale sont placées trop souvent devant ce « choix » : les coups, la domination ou l’expulsion, et le retour au pays. Trop de situations révèlent des chantages aux papiers, au dénigrement, à la dépendance économique… Face à tout cela, elles n’arrivent pas à se plaindre collectivement. Elles cumulent ces lourds handicaps, font le dos rond, et se taisent trop souvent.

En Martinique comme ailleurs, quel que soit son pays d’origine, la femme migrante doit absolument refuser ce rôle de victime, et s’autoriser à prendre la parole pour dénoncer toutes ces peines qu’elles subit uniquement à cause du genre et des rôles sociaux qu’on attribue aux femmes.

Ces situations de multiples violences et de terribles discriminations vécues par les femmes migrantes, régularisées ou non, mais toujours en situation précaire, doivent être traitées autrement par les instances politiques. Il faut inclure les femmes et leurs besoins dans tous les débats sur l’immigration, la liberté de circulation et d’installation et le respect du droit d’asile. La législation doit promouvoir leur autonomie réelle, leur reconnaissance dans la société d’accueil.

Les politiques actuelles de plus en plus xénophobes, discriminatoires, racistes qui divisent les peuples, ne doivent pas empêcher la solidarité entre toutes les femmes du monde.

Soyons toutes et tous uni-e-s pour lutter contre les inégalités et toutes les violences faites à toutes les femmes.

Muriel Ameller, militante féministe