Et toujours, la magie Monet

— Par Nicole Duault —

Le seconde édition du festival Normandie impressionniste réhabilite Pissarro, redécouvre Dufy et met Monet à l’honneur… En plus de sept cents manifestations de Rouen à Caen, de Giverny à Dieppe.

Voilà mon atelier », disait Monet en montrant la Seine. C’est au fil de l’eau que se déroule, à partir d’aujourd’hui, le second festival Normandie impressionniste. Sur 600 km de côtes, le long du fleuve, des rivières, des étangs et des bassins de cinq départements, il propose quelque 700 manifestations. Elles étaient 600 la semaine dernière, et chaque jour apporte de nouvelles contributions. En 2010, la première édition avait accueilli plus d’un million de visiteurs. Comme en écho, en 2011, l’exposition Monet en avait reçu plus de 900.000 au Grand Palais à Paris. Preuve que l’engouement pour les impressionnistes reste passionnément intact.

Cette année, le succès s’annonce déjà au rendez-vous, avec un budget de 5,5 millions d’euros financé par les collectivités locales, l’État et les mécènes. Le coût de l’exposition de Rouen est, à lui seul, de plus de 2 millions d’euros. Outre des expositions de peintures et de photos, des projets hétéroclites et populaires, des projections cinématographiques comme La Belle Nivernaise, film muet de Jean Epstein, accompagné par l’Orchestre de l’Opéra de Rouen, des performances d’artistes contemporains, des défilés de mode, des créations culinaires, des déjeuners sur l’herbe viendront surprendre le public.
Les trois chefs-d’œuvre de Pissarro

Côté expositions phares, celles de Caen, du Havre et de Rouen possèdent une qualité qui manque souvent aux grandes manifestations parisiennes. Elles nous font entrer dans l’intimité, dans l’humanité des artistes. Comme le montre cette série de trois peintures que Pissarro a faites de l’anse des Pilotes et du brise-lames du Havre en 1903. Il avait eu la révélation de la lumière et du mouvement devant les cathédrales de Monet, peintes à différentes heures de la journée. Camille Pissarro a 73 ans. Une méchante infection aux yeux l’empêche de peindre en plein air. Laissant sa femme, Julie, et leurs enfants dans leur maison d’Éragny, il s’installe dans une chambre de l’hôtel Continental du Havre. Depuis ses trois fenêtres, il multiplie les angles de vision et réalise ces trois chefs-d’œuvre. Les musées normands ne sont pas les seuls à réhabiliter Pissarro. Une grande exposition de son œuvre se prépare à Madrid.
Le réalisme de Dufy

Autre redécouverte passionnante, les deux tableaux de jeunesse évoquant une Fin de journée au Havre de Raoul Dufy -il a 23 ans en 1900. Ces deux toiles très sombres, tributaires de l’enseignement de Pissarro, poussent le réalisme à l’extrême. Elles ont été achetées, l’an passé, à l’instigation de la conservatrice du musée du Havre, Annette Haudiquet, à la famille du peintre (l’une pour 80.000 euros, l’autre pour 20.000 euros) et font déjà figures de chefs-d’œuvre.
Le bateau-atelier

Quant au géant Monet, il règne sur toutes les expositions. L’ensemble de 41 peintures réunies par Sylvain Amic, directeur du musée de Rouen, est à couper le souffle, avec des confrontations des tableaux jamais réunis. Mais plus que le Soleil couchant sur la Seine à Lavacourt (propriété du Petit Palais), autre version du célébrissime Impression soleil levant, dont le musée Marmottan refuse de se dessaisir même le temps d’une exposition, c’est la série des vues de Vétheuil qui fascine. Ces visions au ras de l’eau ont été réalisées par l’artiste depuis son bateau-atelier, que des lycéens de Cherbourg sont en train de reconstruire pour le festival. Là, c’est la magie du reflet qui envahit la toile, jusqu’à en faire une peinture abstraite. Comme cette minuscule photographie prise par le peintre lui-même, où on perçoit un visage et un chapeau miroitant dans le bassin de Giverny. Claude Monet, annonciateur de l’art moderne.

Nicole Duault, envoyée spéciale dans le Calvados – Le Journal du Dimanche

samedi 27 avril 2013

Lire aussi, l’interview d’Erik Orsenna : « Je suis un chasseur de regards »

Normandie impressionniste,
Du 27 avril au 29 septembre
Informations : www.normandie-impressionniste.fr

http://www.lejdd.fr/Culture/Expo/Actualite/Et-toujours-la-magie-Monet-604334