Et de trois (prix) pour « Congo. Une histoire »

—Valérie Marin La Meslée —

Saisissante d’humanité, la « biographie » de ce grand pays africain par David Van Reybrouck reçoit le prix Aujourd’hui. À (re)lire d’urgence.

C’est la biographie d’un pays fascinant, écrite comme un roman d’aventures. Congo. Une histoire a dominé la rentrée littéraire en remportant le prix Médicis essai et le prix du Meilleur livre étranger 2012. Il est couronné en ce printemps par le prix Aujourd’hui. Il avait déjà été consacré en Belgique, pays natal de son auteur David Van Reybrouck, par des jurés aussi bien de littérature que d’histoire.
À la rencontre des hommes

90 000 ans d’histoire y sont magnifiquement narrés, rythmés et surtout incarnés : oui, ce vieux Congolais a été successivement esclave, puis boy, puis domestique de Stanley, le célèbre explorateur. Oui, cet ancien combattant et ses compatriotes ont sauvé des vies pendant la guerre de 1940 dans un hôpital ambulant de la jungle birmane. Et c’est Zizi Kabongo, caméraman de la télévision zaïroise, qui nous met aux premières loges du combat du siècle entre Mohamed Ali et George Foreman dans la folle nuit de Kinshasa.

L’auteur n’emmène pas le lecteur « au coeur des ténèbres » – « les ténèbres sont plutôt dans les yeux de ceux qui regardent le Congo », dit-il -, mais au coeur de chaque Congolais « entraîné dans la politique mondiale comme un arbuste par un puissant courant ». La matière première du livre de David Van Reybrouck sur cet immense pays qui regorge de richesses, pour son malheur, dirait-on, ce sont les hommes. Du vieux Nkasi, né avant la Conférence de Berlin (1885), où l’Europe se partage l’Afrique, à Rosemonde, 26 ans, qui commerce avec la Chine dans l’actuelle RDC, chaque chapitre zoome sur un témoin tout en s’abreuvant à de multiples sources documentées.
« Indépendance Cha Cha »

Pour raconter ce pays, David Van Reybrouck n’était pas le mieux placé. Belge, il est du côté du colon malgré lui. Mais l’histoire du Congo ne débute pas avec l’arrivée de Stanley, rappelle cet archéologue de formation, qui la fait commencer à la préhistoire. On arrive vite au XIXe siècle, où cet immense et puissant pays, avant la colonisation, connaît les razzias des esclavagistes et des marchands d’ivoire. Plus tard, il sera violé, y compris de l’intérieur, pour son caoutchouc, son cuivre, son or et ses diamants, son uranium, et jusqu’au coltan de nos téléphones portables. Léopold II pille ce Congo où tout ce qui n’est pas rentable doit disparaître. Où l’on classe les tribus par caractéristiques ethniques.

Après la Première Guerre mondiale naissent les premiers signes de l’indépendance, que le traitement fait aux soldats engagés dans la Seconde intensifie. Les « évolués », ainsi que les Congolais eux-mêmes se nomment, aspirent au confort petit-bourgeois des Belges dans les années 50, où la rumba fait danser la ville. La musique fait corps avec ce pays qui chantera son « Indépendance Cha Cha ». Elle arrive comme une fusée, trop vite. Le portrait que David Van Reybrouck signe de Patrice Lumumba, Premier ministre assassiné, devenu martyr de la colonisation, le montre sans complaisance….

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Le Point.fr – Publié le 10/04/2013 à 07:10 – Modifié le 10/04/2013 à 07:11