Est-ce que la politique rend fou?

—Par Roland Tell —

Il était inévitable qu’un jour les nerfs du président craquent ! Certes, ce n’est pas une tragédie pour la Martinique, plus que jamais saine et vivante dans sa postérité. C’est la tragédie commune de tout esprit paranoïaque, ici ou ailleurs, cédant brusquement à une invasion de vertige, de surestimation pathologique du moi. Ce n’est pas la tragédie des citoyens martiniquais, qui ont l’amour de leur île, bien planté dans le profond de leurs coeurs. C’est la tragédie de tous ceux, élus ou pas, que le péché d’amour de soi obsède jour et nuit. Et pour cela, il n’y a nul remède, et surtout pas en politique, où la doctorale folie amène à pleurer, comme une mort annoncée, ce qu’on craint de laisser, quand la gestion est banqueroute ! Non, injurieux bras d’honneur, tu ne te vanteras pas de voir la Martinique fermer la bouche sous l’autorité ! Elle continuera de crier vers de plus reposants avenirs, en dépit d’une jeunesse sans travail, et de chômeurs, par milliers, presque à l’état mendiant. Elle revendiquera, même lassée de voir l’idéologie trahie, par une alliance bizarrement accoutrée, elle ne se lamentera pas sur les mains, qui ont signé celle-ci, car elle voit dejà venir ce moment du temps, où cette gouvernance va expirer dans les pleurs funèbres des quelques affidés, et autres conseillers, en souvenir des échecs passés, tel le TCSP !

Il faut le répéter haut et fort : ce n’est pas une tragédie, ni pour la Martinique, ni pour les Martiniquais, qui ne se confondent pas dans le bras d’honneur humiliant de Ducos, dont la seule portée est d’annoncer le processus de liquidation de la gouvernance actuelle. Les Ducossais concernés appartiennent à un peuple, en qui est enracinée désormais l’espérance temporelle du changement, compte tenu de l’héritage de démocratisation et de civilisation, dont les Martiniquais ont le dépôt. Il est sûr que la Martinique ne périra pas sous un bras d’honneur. Elle continuera sa tradition de communauté tranquille, avec un courage calme, une résolution ferme, en gardant intacte toute la substance de civilisation, reçue de son histoire. La vie continue, avec ses exigences continues de renouvellement, de rajeunissement des sources du pouvoir. Les Martiniquais savent plus que jamais qu’il faut une purification radicale des moeurs politiques, dans l’ordre des faits, dans l’ordre des sanctions électorales, tout en gardant une foi invincible dans la destinée de la Martinique.

Tout ceci rappelé à ceux qui mettent en cause la volonté martiniquaise de reconstruction interne, d’ordre social, économique, et politique, il importe de s’interroger maintenant sur les techniques politiciennes de dérèglement du sens commun du dit président. Convient-il de descendre aux racines même de l’homme, devenu soudain le grand maudit de la politique martiniquaise ? Certes, celui-ci a perdu tête et pied, au sein du défilé « mondain » de la fête patronale, desaxé, en ses forces obscures, par une injure venue de nulle part. C’est ainsi que la politique, coupée de ses inclinations naturelles de louange et de flatterie, telles que dispensées dans la Caverne de Plateau Roy, se transforme en libération de violence refoulée, aux désordres accidentels d’émotions brutes, qui, dans le soleil de Ducos, obscurcissent ce que Baudelaire appelle les breloques de l’esprit et du coeur, par un bras d’honneur orgueilleux, énorme, effrayant, ouvrant la porte d’un infini inconnu ! N’est-ce pas là un hymne à la politique politicienne, qu’il faut mettre en relief, car tout à fait bien venu pour chercher à crétiniser le peuple martiniquais ?

Le phénomène de crétinisation, dont il est question, constitue d’ailleurs l’une des orientations vicieuses de la politique en cours. Certes, il faut congédier tous ces élus capables d’excitation, produisant la haine, en distribuant les bras d’honneur, comme rançons de leur égo centré sur eux-mêmes, pour de plus en plus émigrer hors de l’oeuvre politique, attendue d’eux, s’agissant du travail des jeunes, du transport collectif, du progrès économique, du bien commun, du pluralisme des idées. La Martinique vit ses moments les plus bas, envahie qu’elle est par la double maladie des tenants du pouvoir local : l’émotionalisme, tel que manifesté à la fête patronale de Ducos, et, depuis décembre 2015, un intellectualisme superficiel, par le repli sur l’alliance avec la droite – alliance, responsable de toutes les déviations, qui contrarient le développement de la Martinique, chaque jour de plus en plus affaiblie par la misère et les désordres, qui font dire à la jeunesse :

– N’importe où, pourvu que ce soit hors de ce monde politique !

On l’a vu : la Martinique et les Martiniquais n’ont rien à voir dans cette politique de ressentiment agressif, où la subjectivité se glisse partout, avec toujours une avidité nouvelle d’éclats de développements imprévus, comme la théorie du complot, comme s’il suffisait à celui qui en est atteint, d’aller de plus en plus loin dans les désagréments, pour se libérer, se révéler dans l’action politique ! Notre homme devra consentir, un jour, à être mené au désert de l’échec, et de la frustration. L’oeuvre de restauration de la Martinique doit prendre naissance … au plus vite, pour le bien commun des Martiniquais. On sent déjà souffler l’haleine fraîche du changement, même dans les égarements récents, qui prendront place dans le répertoire des actes politiques, quand la Martinique aura retrouvé une bonne hygiène de vie communautaire. Ce sera alors une véritable grâce pour les Martiniquais qui, quoiqu’on dise, ne cessent de lier, les unes aux autres, les convictions du changement salutaire, pour imprimer sur celui-ci la marque de leurs volontés, de leur présence.

ROLAND TELL