Envolées des prix et des taxes : ce qu’ils ne diront pas

— Par Gabriel Jean-Marie, Combat Ouvrier —

Un vent de fronde souffle dans la Communauté d’Agglomération de l’Espace Sud de Martinique(CAESM). Un comitéa été créé pour protester contre les hausses des taxes (Foncières, habitation,enlèvement ordures, etc.) qui ont dépassé les … 35%. Le train de vie des élus a même été pointé comme pouvant être l’une des raisons expliquant cesaugmentations. Mis en cause, le président de la CAESM,
Eugène Larcher,a tenté de se dédouaner. « Il nous a fallu faire face aux conséquences du désengagement de l’État qui réduit massivement les dotations qu’il verse aux collectivités ».

La Collectivité Territoriale de Martinique (CTM) a augmenté de manière significative (12 cts) les taxes perçues sur les carburants. Devant les protestations, c’est Daniel Marie-Sainte, élu et porte-parole du Conseil Exécutif qui, après Michel Branchi (PCM) et Miguel Laventure (FMP), a ainsi justifié ces augmentations : « L’Assemblée plénière dela CTM a accepté de voter une hausse modérée de la fiscalité ( Taxe spéciale et Octroi de mer) qui alimente les caisses des 3 Communautés d’agglomération des 34 Communes et de la CTM pour tenter de compenser, un tant soit peu, les baisses successives des dotations attribuées par l’Etat ».

La raison commune à toutes ces hausses, c’est donc la baisse des « dotations versées par l’Etat ».

 Origine des baisses de dotations

Le 22 janvier 2012 au Bourget, Hollande a prononcé un discours resté célèbre à cause de ce passage : « Mais avant d’évoquer mon projet, je vais vous confier une chose. Dans cette bataille qui s’engage, je vais vous dire qui est mon adversaire, mon véritable adversaire. Il n’a pas de nom, pas de visage, pas de parti, il ne présentera jamais sa candidature, il ne sera donc pas élu, et pourtant il gouverne. Cet adversaire, c’est le monde de la finance. Sous nos yeux, en vingt ans, la finance a pris le contrôle de l’économie, de la société et même de nos vies».

En novembre 2012, c’est ce même Hollande qui a mis en place, le Crédit d’Impôt pour la Compétitivité et l’Emploi (CICE) pour « redonner des marges aux entreprises afin de leur permettre d’embaucher, d’investir et d’exporter davantage ». Il est entré en application depuis le 1er janvier 2013.

Pour financer ce cadeau de plusieurs milliards d’euros au « monde de la finance », le gouvernement a ponctionné l’argent public en réduisant les budgets des administrations et les dotations aux collectivités. En 2014 et 2015, ce sont trois milliards d’euros qui ont été enlevés aux collectivités pour alimenter le CICE.

En février 2013, un sénateur posait une question écrite au ministre du budget d’alors, Jérôme Cahuzac, sur les conséquences de ces baisses. Extraits :
: « Suite à la poursuite du gel des concours financiers pour 2013 et des annonces de réductions pour 2014-2015, les collectivités devraient à nouveau voir leurs dotations réduites à hauteur de 1,5 milliard d’euros pour financer le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) à l’horizon 2015. Alors que les collectivités locales doivent faire face à des augmentations de charges (fonctionnement, réforme des rythmes scolaires,…).

Réponse du ministre du budget, un certain … Bernard Cazeneuve, le 4 juillet 2013.
Extraits : « Le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi est en effet financé notamment par une réduction des dépenses publiques de 10 Mds €. Les collectivités locales doivent naturellement participer à cet effort collectif, aux côtés de l’État et des administrations de sécurité sociale».
Le coût de cette mesure a été estimé à 11,3 milliards d’euros en 2013, à 18,1 milliards en 2014, puis à 18,7 milliards en 2015. Il devrait être de 19,2 milliards en 2016.

A côté du CICE, il y a eu l’annonce de Hollande le 31 décembre 2013 lors de ses vœux pour l’année 2014, de la mise en place du Pacte de responsabilité. Voilà en quels termes en janvier 2014 Pierre Gattaz, le patron du Medef, a accueilli cette annonce : « « Nous avons salué le pacte de responsabilité que nous a servi le président de la République le 31 décembre (2013) et qui était inspiré, je ne le dis pas trop fort, du pacte de confiance que nous lui avons apporté sur un plateau».

Qu’ajouter de plus ?

Ainsi, le CICE, c’est 24 milliards d’euros, et le pacte de responsabilité, 20 milliards. Ces dispositifs ont été complétés avec une autre mesure : le sur-amortissement de 40 % des investissements des entreprises. Conséquence, le taux de marge des entreprises a fait un bond en passant de 28 à 32% selon Gattaz, et les profits s’accroissent de 16%. En revanche, les chiffres du chômage n’ont jamais baissé. CICE et Pacte de responsabilité ont coûté aux finances publiques au bas mot 45 milliards d’euros. Qui est le gagnant ? « Le monde de la finance ».

Complices et défenseurs du système

«Je dois (…) tenir un discours de vérité » a lancé Eugène Larcher. « Il faut expliquer ce qui se passe » a renchéri Bernard Edouard, patron du Medef Martinique Mais qu’il s’agisse de Larcher, de Daniel Marie-Sainte ou tous ces politiciens qui se prosternent devant les possédants, tous ils passent sous silence les raisons pour lesquelles les collectivités qu’ils dirigent sont asphyxiées, victime d’une pénurie de ressources. Et pour cause : à l’échelon de leur domaine de compétence (municipalités, communauté d’agglomération, etc.), ils pratiquent tous la même politique que le gouvernement : arroser les capitalistes de millions d’euros,sans rien exiger en contrepartie et sans même contrôler l’utilisation qui est faite de cet argent. Tout simplement parce qu’ils partagent les options économiques du gouvernement : prendre de l’argent public pour engraisser les possédants et faire payer les classes populaires. Et donc, pour boucler leur budget, et faire face à leurs obligations, les dirigeants des collectivités (CTM, Communauté d’agglomération, municipalités) se tournent vers les classes populaires pour trouver les ressources nécessaires.

Et pas question pour eux d’appeler la population à contester le versement de sommes colossales dans les caisses des capitalistes. Car eux aussi reprennent ce genre d’arguments dans leurs propagandes électorales pour gagner les faveurs des électeurs, et surtout des capitalistes à qui ils veulent tous proposer des montagnes d’avantages : fiscaux, infrastructures, etc.

Dans son programme dévoilé le 26 avril 2015, Marie-Jeanne et le GRAN SANBLE proposait, entre autres, de « créer un vrai partenariat financier avec les acteurs privés. C’est ce que nous avions déjà amorcé en imaginant une panoplie d’outils financiers dont un outil de capital développement » pour « permettre de recapitaliser des entreprises martiniquaises dont la principale caractéristique, nous le savons, reste d’être sous-capitalisées ».

Du côté de EMPN (PPM, PS, etc.), avec sa proposition de « construction d’une nouvelle démocratie économique et sociale » (mettre en place un fond de préfinancement des subventions européennes, création d’une zone franche avec un port franc, créer un fond d’avance des dettes fiscales et sociales des TPE, etc.) comme du côté Monplaisir en tant que capitaliste, on n’est pas en reste.

Refuser d’être des sacrifiés

Les contribuables de la CAESM ont répondu à l’appel d’un comité et entrepris de contester, de dénoncer ces augmentations de taxes.

Larcher, entouré de son staff, a tenté de justifier ses hausses de taxes. Mais face à une contestation qui ne voulait pas faiblir, il a enclenché une marche arrière. Certainement pour éviter que le vent de la contestation ne se propage.

D’abord en s’engageant à ne pas augmenter les taxes en 2017. Puis en déclarant dans un communiqué qu’elles baisseraient lors de l’examen du budget définitif.

Ces reculs sont le résultat concret de la mobilisation des contribuables. La preuve que lorsque la population et les victimes de ce système s’organisent pour se défendre, elles peuvent faire reculer leurs adversaires et annuler des mesures injustes.

Dans beaucoup de domaines, ceux qui exercent des responsabilités, qui gouvernement, utilisent leurs fonctions pour imposer des restrictions à la majorité de la population.

La population doit s’inspirer de l’exemple des contribuables du Sud : manifester pour la défense de ses intérêts, pour refuser de subir, mais pour exiger que l’argent public soit réservé aux services publics.

Le 31 janvier 2017

Gabriel JEAN-MARIE