En Guadeloupe : l’extraordinaire jardin botanique de Dehaies ( ex-habitation de Coluche)

En s’enivrant des odeurs et des couleurs de la campagne guadeloupéenne, on croit instinctivement que toutes les plantes que l’on croise -celles qui se mangent comme celles que l’on se contente d’admirer, par exemple les extraordinaires roses porcelaines aux pétales charnus- sont présentes depuis toujours dans ces îles nées il y a entre 50 et 5 millions d’années de l’activité volcanique sous la mer des Caraïbes. Il n’en est rien. Les premières ont été apportées d’abord par les vents, les courants marins puis par les oiseaux migrateurs. Dans un second temps, les habitants aux origines multiples qui sont venus au fil des siècles, de gré ou de force, peupler ces îles, ont apporté d’autres plantes, et notamment des plantes cultivées…

Les visiteurs qui ont la bonne idée d’aller découvrir, sur l’île de Basse-Terre, l’extraordinaire jardin botanique de Dehaies, trouveront un panneau explicatif ne laisse aucun doute à ce sujet. « La Guadeloupe est riche d’une flore très diversifiée qui participe à en faire un « hot spot » de biodiversité mondiale reconnu par l’Unesco », est-il indiqué, avant de préciser : « Les scientifiques estiment que sur les 3200 espèces de plantes à fleurs et graines présentes aux Antilles françaises, 55 % seulement sont indigènes. Les plantes exogènes, venant de diverses contrées de la planète, importées à des fins alimentaires, médicinales, industrielles ou ornementales, représentent quant à elles 45 % de cette formidable palette végétale. Un tiers d’entre elles sont désormais naturalisées ou en cours de naturalisation, c’est à dire présentes dans les milieux naturels de l’archipel ».

Le panneau explicatif donne une date d’arrivée en Guadeloupe de la canne à sucre et de la banane qui pèsent encore si lourd dans son économie. Mais aussi du café, et du cacao dont nous avons visité des exploitations (voir post précédent), mais aussi de la vanille. Ou encore du cocotier, si présent dans l’archipel qu’on le croirait là depuis toujours. Et pourtant, pourtant, selon ce panneau, le cocotier serait arrivé au début du XVIIIe siècle. C’est un extraordinaire exemple de construction d’un paysage. Ce voyage des plantes dévoile moult autres surprises. Ainsi, j’avais imaginé que l’arbre à pain, si imposant (jusqu’à 15 mètres de haut) dont les fruits sont si appréciés dans la cuisine créole (ils se consomment cuits en frites, purée et gratin) était en Guadeloupe depuis toujours. Erreur, il est arrivé en 1796.
Germaine dans sa Maniocrie, désormais tenue par sa fille, à qui elle donne, à l’occasion, un coup de main, tout comme ses petites-filles (PB)

Naïvement, j’avais imaginé aussi le manioc avait été apporté d’Afrique par les esclaves noirs. Pas du tout, m’a expliqué Germaine qui tient une maniocrie (c’est à dire un restaurant qui sert uniquement des galettes (cassaves) à base de farine de manioc, fourrées à la morue, aux légumes, à la noix de coco) sur l’Ilet Pérou, dans la commune de Capesterre-Belle-Eau. Au cours de cette très sympathique soirée (bon à savoir : chaque participant doit apporter ses couverts et son apéro), j’ai appris tout ce qui est faisable avec le manioc, mais aussi que cette racine très abondante sur les marchés, a été apporté par … les Amérindiens : « il constituait la base de leur alimentation. Puis, ce patrimoine a été transmis aux esclaves », explique Germaine, prompte à vanter les 1000 et une vertus du manioc, réputé activer la flore intestinale, être dépourvu de graisse, de gluten, etc.

Le jardin botanique de Dehaies n’est pas seulement un endroit idéal pour se familiariser avec la richesse de la flore guadeloupéenne. C’est aussi, et d’abord, un lieu enchanteur. On peut s’y promener avec ravissement pendant des heures (il faut compter au minimum deux ou trois bonnes heures mais on peut passer la journée sur place, il y a un restaurant et aussi des hébergements), c’est un régal pour les yeux, un voyage pour les sens -pour petits et grands- et un repos pour le corps et l’âme. Non, je n’exagère pas ! Situé sur une pente qui regarde vers la mer, il offre une multitude de coins et de recoins et d’ambiances diverses.

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