« Des incarcérés » : sous un déluge d’avanies

— Par Roland Sabra

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La première qualité d’un metteur en scène est semble-t-il de savoir lire. Savoir lire un texte, de théâtre de préférence. La démonstration par l’absurde en a été faite par Hervé Deluge qui présentait les 12 et 13 novembre derniers « sa lecture » du texte de Christophe Cazalis « Des incarcérés ». Ce texte remarqué, sans être pour autant vraiment remarquable est un huis clos, une réflexion sur le totalitarisme, sur l’enfermement, qu’il soit physique ou identitaire. Un texte ambitieux dans son propos et dont la construction est en adéquation avec ce qu’il thématise. Un texte circulaire, dans le quel l’épilogue renvoie à ce qu’exposait le prologue. Un texte de science fiction ou plutôt d’anticipation, pour les plus pessimistes, qui décrit une société totalitaire où l’on peut être arrêté, embastillé sans motif apparent et pour une durée indéterminée. Henri un blanc des Antilles, ou simplement un blanc vivant aux Antilles, soupçonné de terrorisme, est soumis par l’Empire, c’est ici le nom du régime politique, à l’isolement cellulaire depuis un temps qui lui paraît infini. Vivant en permanence sous l’œil de caméras qui enregistrent ses faits, gestes et dires, il va voir projeté dans son espace carcéral Amédée un noir créolophone qui se révèlera être un traitre au service de l’Empire avant que l’on ne découvre que tout cela n’était peut-être qu’un mauvais rêve. En effet on découvrira plus tard que cet Henri, venu assister au mariage de sa sœur, Alycia avec Amédée, s’est écroulé sous l’effet d’une absorption excessive de rhum, ivre mort et a cauchemardé. La pièce pouvait s’arrêter là mais un dernier rebondissement duplique la scène d’ouverture à ceci près que maintenant c’est Henri qui est projeté dans la cellule ou est détenu d’Amédée. Rêve, réalité, s’entrecroisent sans que l’on puisse décider de l’un ou de l’autre.

L’inversion des positions et donc le glissement des rôles suppose une subtilité, un ambiguïté, un flou dans le jeu des personnages et c’est là que la mise en scène dérape. Hervé Deluge dans le rôle d’Amédée s’engage sur le registre de la rouerie, de l’infantilisme qui fait rire si facilement. Il en rajoute sur ce style insupportable de certaines publicités radiophoniques créoles qui associent la langue vernaculaire des Antilles à la puérilité, à la niaiserie. Par moment on croirait assister à un spectacle de clowns. D’un côté Monsieur Loyal le clown blanc, sérieux, rationnel et de l’autre l’Auguste le clown rouge frustre et outrancier. Il y a d’ailleurs un moment du spectacle ou les deux personnages de frappent dessus avec des massues gonflables d’hommes des cavernes. Des arts de la scène aux grotesques parodies de la piste, voilà le chemin qu’emprunte l’interprétation. On n’en dira pas plus sur ce que cette vision contient comme intériorisation ou assimilation de ce que l’on nommera par euphémisme le discours dominant.

A l’intrigue déjà passablement compliquée, Deluge ajoute une bonne dose d’incompréhension en dédoublant le rôle d’Henri, en effet à partir de la scène 10 c’est François Audran qui remplace Patrice le Namouric dans le rôle de Henri. Et là, vraiment on ne gagne pas au change. Ce que l’un tenait solidement à bout de bras, surtout dans les premières scènes, l’autre est incapable de le soulever de terre et croule sous un rôle trop grand mais beaucoup trop grand pour lui. Comme un homme qui serait passé par là, qui aurait vu de la lumière et qui serait entré.. sur le plateau. Il faut dire que toute cette scène 10 est un naufrage. La disparition du seul comédien qu’il y avait sur le plateau accentue jusqu’à la caricature le côté amateur et le manque de professionnalisme, ou de moyens, mais à ce niveau c’est tout comme, de la prestation. La querelle d’amoureux entre les tourtereaux Amédée et Alycia, vire à l’affrontement de type Burton-Taylor dans « La mégère apprivoisée » ou dans « Qui a peur de Virginia Woolf ». On est en plein contresens. Astrid Mercier, que l’on a connue en d’autres temps et sous une autre direction bien meilleure a l’air perdu, flottant sur le texte comme sur ses hauts talons.

A la décharge du metteur en scène, on peut faire valoir au moins deux éléments. Premièrement il était difficile, voire impossible de passer dans la salle Frantz Fanon après la performance éblouissante d’Alain Timar qui avec pour toute scénographie un carré blanc dessiné sur le sol, réinvente en permanence l’origine du théâtre: un texte et un comédien, une comédienne, et quelle comédienne, en l’occurrence! Deuxièmement on notera que le manque de moyens est d’une grande cruauté quand il s’agit de figurer mais plus encore quand il s’agit d’illustrer, ce qui est une erreur, une situation de science fiction. Comment représenter un « corporil », un « lingator » et tous ces objets inventés d’un futur qui ne sera pas? Certainement pas avec des sièges en plastiques transparents des années 60 du siècle dernier! Le tuyau et le sas de communication entre la cellule et le dehors, imaginé par l’auteur deviennent un rideau de fil et un trépied sur roulettes, l’œil omniprésent de la caméra, un abat jour descendu des cintres et le reste est à vau-l’eau. Par contre il y a un mur d’images réalisé par Fred Chanto, assez inutile, sans rapport avec ce qui se déroule sur scène, détournement d’une possible paraphrase de Godard . Pas des images justes, juste des images.

Hervé Deluge est un acteur sympathique qui se fourvoie dans des rôles qui ne sont pas pour lui, plus proche de de Funés que de Jouvet il ne se trompe que d’un Louis. Mais après tout il se dit que Sartre croyait avoir réalisé une pièce drôle en écrivant « Huis clos ». Alors peut-être qu’après tout Deluge, en metteur en scène sartrien se définissant par ce qu’il fait et plus encore par ce qu’il ne fait pas, est-il le seul « vrai » lecteur de Cazalis!!

Roland Sabra à Fort-de-France le 14/12/2010

 

Lire la critique de Selim Lander

 

Lire aussi le commentaire de Jocelyne Arnaud

De DELUGE à Sabra


 « Des incarcérés »
Sous un déluge d’avanies
Par Roland Sabra à Fort-de-France le 14/11/2011
En effet la « critique » est sévère et le verdict sans appel.
Je pense que je n’ai pas « un ami » en la personne de SABRA, cependant je me le dis souvent : “Hervé, tu ne travailles sans doute pas assez le capital sympathie…”
N’étant pas, comme chacun le sait , critique, et persuadé que l’honnêteté veut que l’on ne puisse être à la fois juge et partie (……….), je me contenterai ici, de quelques constatations d’évidence :
− Un critique peut – et c’est le droit le plus strict -ne pas aimer une pièce, mais il devrait néanmoins s’astreindre, sinon à un minimum de courtoisie, du moins à une certaine maîtrise de son expression verbale : critique ne se traduit pas nécessairement par règlement de compte !
− Concernant le style, un critique ne devrait jamais oublier que sa propre critique est un écrit et RESTE et INFLUENCE et, qu’en tant que tel, il est lui-même soumis à la critique littéraire. C’est pourquoi il lui est généralement conseillé d’éviter erreurs de syntaxe, fautes d’orthographe et tournures alambiquées, ces dernières étant souvent considérées comme destinées à masquer une malencontreuse incompréhension de l’œuvre à analyser.
− Concernant la forme, une critique, qu’elle soit acerbe ou louangeuse, n’est pas dispensée de suivre un plan précis, à l’intention d’un futur spectateur encore ignorant, à l’évidence, de la structure et de la thématique de la pièce, avant d’entamer son exégèse.
Dans le cas contraire, le rédacteur de l’article risque de tomber dans la confusion narratoire, travers qu’il adresse le plus souvent à l’auteur, au metteur en scène ou aux acteurs…
− Du point de vue stylistique, le lecteur ne pourra manquer d’apprécier l’utilisation d’une écriture simple et accessible. Une formulation ampoulée et dédaigneuse est la pire ennemi du véritable critique.
La pièce traite de l’enfermement et de l’incommunicabilité. Souhaitons aux critiques lucides de reconnaître là deux des thèmes fondamentaux de nos sociétés ambiguës.
DE DELUGE A Sabra
Cette critique mondaine en guise d’exécution, m’a un peu mis en colère et pour finir consterné. Le ton est hargneux, vengeur au-delà des arguments à proprement dit.
D’où tu parles Sabra ?
Alors descendons, mettons les choses au niveau de ta critique, au niveau du moment où dans le spectacle « les deux personnages se frappent dessus avec des massues gonflables d’hommes des cavernes.  » Un niveau que curieusement tu ne reconnais pas. Cracher neuf fois sur dix sur ce qui se fait ici est bien ta “marque déposée” ?
Tu fais penser au bourgeois gentilhomme, celui qui voudrait être noble mais qui n’a pas les moyens de sa prétention. Un rustre. J’entends démontrer en suivant le plan approximatif de tes reproches, que tu n’es ni plus ni moins que le énième missionnaire d’une pensée qui se voudrait encore dominante, reconnaissable au caractère méprisant de ta phraséologie et aux injonctions péremptoires qui expriment tes frustrations de mauvais marionnettiste.
Une autre forme de ton inquiétant sentiment de supériorité te pousse à exclure de tes analyses l’homme de la rue dont tu minimises les capacités intellectuelles tout en provoquant chez le bourgeois une complicité de façade, nourrissant tes textes de références approximatives et inutiles de salonard.
Une question se pose : tes erreurs de lecture sont -elles volontaires, -(On dit que tu es un enseignant du lycée Schoelcher, si tel est le cas, cela n’est pas glorieux.) -tes erreurs de lecture sont-elles volontaires donc ou tout simplement destinées à densifier des propos qui se présentent trop souvent comme les billets d’humeur issus d’un esprit tracassier, ivre de son statut auto – attribué d’inquisiteur de l’intellect. ( Le Nom de la Rose de Jean-Jacques ANNAUD )
Tu n’es pas des nôtres, Sabra, non parce que tu es un étranger, mais parce que tu es étranger à tout ce qui n’est pas toi, tu n’as aucune ouverture d’esprit et aucun repère sur les codes dramaturgiques qui gouvernent notre manière de mettre en création. D’abord en direction des gens d’ici, et d’ici au monde, je veux et je prétends rester moi même et parler la langue universelle du théâtre.
D’où tu parles ?
Une chose importante, jamais une de mes productions n’a été aussi hétéroclite, aussi métisse, aussi riche de convergence.
Ta lecture est d’arrière-garde, va donc idolâtrer “la vieille France”, Brigitte Bardot, Alain Delon et tous les « Louis ».
D’où tu parles ?
Je n’ai rien à voir avec toi… Parle-moi des Murs de Glissant et de Chamoiseau ou (celle-là est belle, tu ne la comprendras pas) parle moi des écrits de Mona. De “la voix bèf”. Ou plutôt ne parle pas, n’écris pas, tais-toi ! Va dessiner des moutons. Laisse nous accomplir nos légendes multiples et personnelles.
“ Va-t’en, lui disais-je, gueule de flic, gueule de vache, va-t’en je déteste les larbins de l’ordre et les hannetons de l’espérance. Va-t’en mauvais gris-gris, punaise de moinillon….”
− Alors Le plan Sabra ­
Pour ceux qui l’ignorent encore, dévoilons rapidement les principaux éléments de ce qui constitue ce qu’on peut appeler le système pseudo -critique de Sabra :
– La moquerie et les jeux de mots déplacés.
Sous un déluge d’avanies / un jeu de mots grotesque avec mon nom,
facile mais pourquoi pas / puis avanies c’est à dire affront.. de ta
vision du théâtre sans doute………
– Le mépris et la mise en question de l’intelligence d’autrui.
La première qualité d’un metteur en scène est semble-t-il de savoir lire. Savoir lire un texte, de théâtre de préférence. La démonstration par l’absurde en a été faite par Hervé Deluge ……….
-La lecture mal dominée.
Henri un blanc des Antilles, ou simplement un blanc vivant aux antilles…. cet Henri, venu assister au mariage de sa soeur, Alycia / IL n’a jamais mis les pieds aux Antilles, relis le texte…………
-L’arrêté d’aliénation et le sceau de puérilité.
Hervé Deluge dans le rôle d’Amédée s’engage sur le registre de la rouerie, de l’infantilisme qui fait rire si facilement. Il en rajoute sur ce style insupportable de certaines publicités radiophoniques créoles qui associent la langue vernaculaire des Antilles à la puérilité, à la niaiserie. Par moment on croirait assister à un spectacle de clowns. D’un côté Monsieur Loyal le clown blanc, sérieux, rationnel et de l’autre l’Auguste le clown rouge frustre et outrancier. Il y a d’ailleurs un moment du spectacle ou les deux personnages de frappent dessus avec des massues gonflables d’hommes des cavernes. Des arts de la scène aux grotesques parodies de la piste, voilà le chemin qu’emprunte l’interprétation.
On n’en dira pas plus sur ce que cette vision contient comme intériorisation ou assimilation de ce que l’on nommera par euphémisme le discours dominant.
Donc il te faudrait du créole ennuyeux.
Ainsi je suis assimilé ? C’est donc toi le rebelle, comme dans le spectacle que tu n’as pas compris. Puisqu’il s’agit d’un blanc qui en France rêve d’être le « Harry RoselmacK ou l’OtHello, ou l’Obama » l’homme qui pourrait lui ramener sa sœur. Il pourrait aussi s’agir du rêve d’un frustré qui ne sera jamais un artiste, car il faut du courage, de la folie, de l’amour et du talent……….derrière le pseudonyme pompeux ne nous y trompons pas il y a bien quelque chose de raté.
-Les références pompeuses et la poésie douteuse
La querelle d’amoureux entre les tourtereaux Amédée et Alycia, vire à l’affrontement de type Burton-Taylor dans « La mégère apprivoisée » ou dans « Qui a peur de Virginia Woolf ». On est en plein contresens. Astrid Astier, que l’on a connue en d’autres temps et sous une autre direction bien meilleure a l’air perdu, flottant sur le texte comme sur ses hauts talons.
Sans commentaires… Ah si ! L’actrice se nomme ASTRID MERCIER.
-Le carré blanc et les origines…..du théâtre
A la décharge du metteur en scène, on peut faire valoir au moins deux éléments. Premièrement il était difficile, voire impossible de passer dans la salle Frantz Fanon après la performance éblouissante d’Alain Timar qui avec pour toute scénographie un carré blanc dessiné sur le sol, réinvente en permanence l’origine du théâtre…………
Cette phrase est d’une rare bêtise. Le carré blanc et les origines…..du théâtre, tu y étais toi ?
C’est de là que tu parles ? Qu’est que tu veux dire en douce ? Que le petit nègre n’avais donc aucune chance ? Que je n’étais pas là au “ baptême du christ ”………sorry bwana sorry !
Et à bas mes recherches sur les nuances flamboyantes des pigments de mon carré de madras, les secrets “générationnels” de mes tapis persans, ou les signes de mes hiéroglyphes…..
Et enfin la condescendance dans le « carré blanc…….. »
Hervé Deluge est un acteur sympathique qui se fourvoie dans des rôles qui ne sont pas pour lui, plus proche de de Funés que de Jouvet il ne se trompe que d’un Louis. Mais après tout il se dit que Sartre croyait avoir réalisé une pièce drôle en écrivant « Huis clos ». Alors peut-être qu’après tout Deluge, en metteur en scène sartrien se définissant par ce qu’il fait et plus encore par ce qu’il ne fait pas, est-il le seul « vrai » lecteur de Cazalis!!
Roland Sabra à Fort-de-France le 14/11/2011

SABRA,
Je n’ai que faire de votre condescendance : Enfant déjà, je n’acceptais les bons points que de ceux que je considérais comme mes maîtres. Je n’ai pas eu peur d’être petit, chez les grands (Jérôme Deschamps) – et j’en suis revenu avec les honneurs. Et je n’exclus pas de ne rien connaître au théâtre chaque fois que je participe à un spectacle – Comme tout artiste véritable je pense.
Mais ce n’est pas parce que cette île est en pénurie de critique qu’il faut prendre pour argent comptant les allégations du premier pécore venu. “T’es l’accessoire de ceux qui vivent sur notre indulgence.” (NTM.)
Recevez donc, Sabra, tout mon Mépris (GODARD, bien sûr.) pas parce que c’est facile mais parce que c’est nécessaire.
Hervé DELUGE CASE PILOTE le 10 12 2010
Au fait, même la date de ton article est fausse.
⁃ Décidément tu es en avance sur les temps anciens – lol !

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De Charles Savannah à Deluge

Cher ami,

Nous ne nous connaissons pas mais j’ai une sympathie toute particulière pour les artistes. En fait ce ne sont pas les artistes seuls, mais les hommes en général. On pourrait dire que j’aime l’humanité… malgré elle, bien souvent ; tout comme j’aime ma petite île sans pour autant l’aimer plus que nulle autre partie du monde. Autrement dit, j’aime aussi la Terre entière sans faire le moindre ostracisme.

Bref, tout ce préambule pour te dire que j’ai lu ton article ? courrier ? réponse ? à la critique de Roland Sabra concernant « Les Incarcérés ».

J’ai entendu ton cri de douleur et je le comprends car l’artiste est sensible – sinon sans doute ne serait-il pas artiste – . Mais en même temps rares sont les artistes à prendre la plume pour dire ce qu’ils pensent d’une critique. Heureusement ! car l’exercice est difficile et peu d’artistes sont capables de véritablement exprimer clairement leur pensée en-deça de leur colère parce qu’ils ont été blessés. Comme le prof que tu tentes d’atteindre chez Sabra en dessous de la ceinture – mais bon l’artiste n’a jamais été un modèle de morale ! – a besoin d’un public acquis à sa cause pour être bon, l’artiste s’épanouit dans la louange du public.

En même temps comme dans toute société, nous ne progressons que parce que nous nous regardons à l’aide du regard de l’autre. Sinon cela s’appelle de l’autosatisfaction et celle-ci ne nous vaut rien.

La critique est donc salutaire, qu’elle soit d’un salaud au sens sartrien ou habituel du terme, ou qu’elle soit d’un maître reconnu. J’entends bien ta critique sur la compétence de Roland Sabra. Après tout, il n’est pas forcément accrédité pour parler, mais dès lors que tu livres une pièce ou une mise en scène ou même un simple rôle, tu le livres au public dont tout un chacun est libre de juger. Imagines-tu gifler un ado à la sortie d’un film de John Wayne ou de Bruce Willis parce qu’il a critiqué la mise en scène ou le jeu de l’acteur ? Bien sûr que non ! pour une simple et bonne raison que l’œuvre de Wayne ou de Willis, une fois sorties appartiennent – que tu le veuilles ou non – au public.
…Et au public de toutes les races – ce qui ridiculise tes attaques aux relents racistes car l’art est humain ou n’est pas ! – . Autrement dit, dès lors que l’on me donne à voir, sauf à vouloir que je sois – comme bien des indépendantistes le veulent – écervelés ou lobotomisé, l’œuvre spectacle doit accepter la critique. C’est d’ailleurs un exercice d’assouplissement d’échine. L’artiste se croit souvent seul, il se croit libre, il se croit le meilleur. Oui, il est tout cela dans sa création. Mais une fois la création réalisée, il tombe dans le lieu commun : l’œuvre est critiquable !

J’aurais pour ma part aimé que tu rétorques à Roland Sabra en lui – nous expliquant pourquoi tes choix étaient meilleurs que ses dénigrements. J’aurais préféré que tu éclaires justement ta pièce, me donnant l’envie de la voir. Hélas, au lieu de cela, tu t’es vautré dans la médiocrité ambiante : le racisme, l’enferment, le peuple dont tu dis tout à la fois qu’il faut écrire de manière simple pour lui mais dont tu sembles aussi penser –heureusement ! – qu’il est capable de s’élever….

Et ce faisant, tu poses avec acuité le problème de l’écriture et du destinataire de cette écriture. Il me semble – mais après tout cela ne me regarde pas – que lorsque Roland Sabra peste et jure , c’est parce qu’il a conscience que tu pouvais faire mieux. Il a aussi sans doute conscience que le public martiniquais mérite mieux. A cela, tu ne réponds rien. Tu tentes de tuer celui qui attaque ton œuvre. Et tu le disqualifie en le renvoyant à un monde qui n’est pas le nôtre. Autrement dit, tu écrirais pour les seuls martiniquais ? Etrange conception de l’art de du rôle de l’écrivain ! Comme si la pensée se limitait géographiquement et temporellement ? Justement, en écrivant ce que tu écris, tu témoignes de ce que tu appartiens à un passé que la jeunesse martiniquaise non endoctrinée ne reconnaît plus. Tu témoignes aussi d’une pauvreté intellectuelle qui m’étonne de la part d’un artiste. Et enfin du ne semble plus comprendre les attentes de notre peuple dans une mondialisation qui s’accélère….et là, c’est le prof qui te parle.

L’intelligence, disait mon père, est l’art de s’adapter aux situations nouvelles. En Martinique, la situation a changé ! Il reste à l’intégrer heureusement et à prospecter le future qui – comme chacun sait – est immense !

Bien à toi mon ami, mon frère dans ce monde difficile où la lutte est constante et où le plus difficile consiste à lutter contre soi-même pour progresser. Qu’est-ce que progresser ? Je te propose en effet d’aborder prochainement cette épineuse question. Et pour ma part, j’irai voir ta pièce si elle continue à être produite !

Charles SAVANNAH
Fort-de-France, le 21 décembre 2010