D’après ce qu’île dit…

 par Jean Durosier DESRIVIERES —

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   Voici ! l’histoire n’est pas plus sophistiquée : je viens d’une ville, d’après ce qu’île dit, sans façon avec nos manières de gueuler nos malheurs à marée haute, d’engueuler tout le bazar du monde, dégueuler sur le quai en plein dans notre baie jusqu’à tout prendre en pleine gueule. Au cœur des cycles : la mort bourrée d’eau sale et d’eau salée, d’après ce qu’île dit, avec force tempêtes et cyclones, et ras-de-marées. Et tremble qui veut : je viens d’une ville, d’après ce qu’île dit, où les hommes négocient l’avenir et la vie à dos d’homme.

Et depuis, des poètes se sont mis à parler comme avant, ils se sont mis à inventer, comme on dit. Et ils inventent n’importe quoi, comme plein d’images de désastres, pour la forme : un semblant de bonheur. Point de vue ni de point-de-vue dans ce monde d’images, d’après ce qu’île dit. Bon repos. Il n’y a que la ville seule et ses règles propres submergées de mille exceptions ; des perspectives naïves à faire grimper la courbe des bourses dans la course aux marchés, plastiques… dramatiques…

Ah ! la mer me revient par miaulements de missions sans mystères et misères des ministères… Sensationnelle ma ville, trop parlante, mise là, cul à l’air, bien culottée pourtant d’après ce qu’île dit, contre vents et marées, mangeant ses dix doigts ventre déboutonné, dans l’attente sous la tente. Venez donc nous parler d’espérance, dans les langues fort molles des dieux et des diables…

Parlez-nous de dons aussi, de vrais dons… Ah ! de parole encore ! Pour commencer, l’an guette – Entendez-vous le bruissement de nos clameurs créoles ? – pères et mères, filles et fils mêmement, dans l’absolu du silence : la constriction… La terre qui m’enchante ne chante plus sinon pour enfler des larmes discrètes. Et nous fumons mille prophéties fumeuses… Et nous louons mille actes des apôtres débiles et débonnaires…

Que dire de nos voisins au verso ? Parce que l’île se veut recto-verso, sans vice-versa. Dommage amigo ! C’est à casser la tête à l’histoire et son rythme de mauvais sang. Il n’y a pas de tcha-tcha-tcha qui tienne sous les jupes des mucha chas ; il n’y a point d’infini salut entre bras et regards de même terre, compañeros. Quand maintes mains de nos frères de dos se tendent vivement aux nôtres, je cherche un motif de cœur.

Raison, comment te sacrer ici ? Faut-il combien de vents pour dévier la barque de là où elle va ?

Voguez, voguez matelots ! Du feu pour tous ! Viendra le pain blanc…

Faut-il se souler pour mieux voler d’île en île ou numériser nos désirs à projeter dans les étoiles ?

Oui, apportez des sourires pour les femmes. Leurs nerfs ont soif d’affabilités. Apportez des bonbons pour les enfants. Leurs papilles ont besoin de bontés. Apportez des pierres pour tous… Nos mains à l’urgence de bâtir exigent de hurler…

Ecoutez ce flot de voix qui ronge sa colère, d’après ce qu’île dit :

l’an merde !

Jean Durosier DESRIVIERES

Limoges, avril 2010.

 

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