Danger désir

"Eastern Boys", de Robin Campillo, avec Olivier Rabourdin, Kirill Emelyanov, Danil Vorobjev, Edea Darcque. 2h08.

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La rencontre ambiguë entre deux hommes inspire un film réussi et hors du commun à Robin Campillo, auteur des Revenants.

Il s’en passe, à Paris, du côté de la gare du Nord ! Dans Eastern Boys, dont l’ouverture dépeint le ballet des voyageurs et des égarés qui se frôlent dans ce décor bourdonnant, on n’en doute pas longtemps : le cash, le sexe et d’inavouables plaisirs y transitent au quotidien. Mais le documentaire n’est pas l’objectif de Robin Campillo, fidèle scénariste et monteur de Laurent Cantet (L’Emploi du temps, Entre les murs), qui signe ici son deuxième long métrage après Les Revenants, un film d’anticipation dans lequel des morts s’invitaient chez les vivants.

Plus réaliste, parfois hyperréaliste, Eastern Boys s’empare d’une histoire nettement plus vraisemblable mais pas moins échevelée, de bout en bout inattendue, forte de son atmosphère dérangeante, tendue, immorale, et au final plutôt belle et mémorable. Car cette fois, ce sont des immigrés qui s’invitent dans la vie bien ordonnée d’un bourgeois parisien… Daniel, un quadra esseulé campé par l’excellent Olivier Rabourdin, repère une bande de jeunes venus de l’Est, sans doute des Russes, peut-être des Roumains ou des Polonais, on ne sait trop. En quête d’amours clandestines et pourquoi pas tarifées, il approche l’un d’eux, Marek. La rencontre aura bien lieu, dès le lendemain. Mais rien ne se passera comme l’avait prévu Daniel, qui fort heureusement a les nerfs solides.
Embarras et malaises

Ainsi, au fil de rebondissements singuliers et parfois sidérants, Eastern Boys met en scène des situations d’embarras et de malaises extrêmes où les personnages ne peuvent plus s’exprimer que par le biais de silences assourdissants, de jeux de regards déterminants. Les deux héros, issus de deux mondes complètement différents, vont pourtant vivre une grande histoire d’amour. Si grande qu’elle n’ira jamais du côté des bons sentiments qui rassurent, mais plutôt au-delà du désir, et même au-devant de la loi… La cohabitation de tous ces motifs, articulée avec de l’action pure et une réflexion sociétale, fait d’Eastern Boys un film tout à fait unique et au-dessus du lot.

La bande-annonce du film :

Eastern Boys

Alexis Campion – Le Journal du Dimanche

samedi 29 mars 2014
http://www.lejdd.fr/Culture/Cinema/Danger-desir-659153