Cinéma caribéen au CMAC

 Par Selim Lander.

En cette fin du mois de janvier, le CMAC proposait une sélection de film caribéens. On se plaint à juste titre en Martinique de n’avoir pas avec la Caraïbe toutes les relations que la géographie semblerait devoir dicter. La proposition était donc bienvenue. On ne conclura pas pour autant, après avoir visionné les films inscrits au programme, que le cinéma caribéen est proche d’atteindre la maturité.

Nom Tew, le court métrage dominicais qui ouvrait le programme semblait s’étirer bien au-delà de ses 9 minutes. Un jeune homme – certes musculeux à souhait – qui se promène dans la forêt, s’arrêtant ici pour pêcher quelque écrevisse, ou là pour déterrer du manioc, cela fait un argument un peu juste. Un unique protagoniste, réduit à un rôle muet, cadré par une caméra instable qui restitue une image sautillante et floue : la robinsonnade devient très vite lassante.

Le film qui suivait, Jab – the blue devils of Paranim, nous venait de Trinidad, une île connue pour la magnificence des ses groupes carnavalesques. Si les « diables bleus » s’inscrivent dans cette tradition carnavalesque, les attirails de ceux qui étaient présentés dans Jab étaient plus qu’indigents. Le film n’en présentait pas moins un certain intérêt. À la frontière entre documentaire et fiction, il montrait une campagne et des paysans qui nous ramenaient à une Martinique de quelques dizaines d’années en arrière. Pour son parfum de nostalgie, pour quelques belles images de la campagne, pour ses personnages aussi sympathiques que naïfs, ce film méritait d’être vu.

The harder they come est considéré à juste titre comme « le classique du cinéma caribéen ». Déjà présenté au CMAC il y a quelques années, il se laisse revoir avec plaisir – en dépit de son côté artisanal (ou bricolé) – d’abord à cause du dynamisme du scénario qui nous fait partager les aventures d’un jeune chanteur fraîchement transplanté de sa campagne dans la jungle de la ville où il perdra très vite ses illusions. Ensuite et surtout à cause de la musique, omniprésente, à commencer par celle de Jimmy Cliff qui interprète le rôle principal et qui enregistre en direct le « tube » qui donne son titre au film : authentique scène d’anthologie, après la séquence qui ouvre le film où l’on voit un autobus bringuebaler sur une route de montagne.

“So as sure as the sun will shine
I’m gonna get my share now of what’s mine
And then the harder they come the harder they’ll fall, one and all
Ooh the harder they come the harder they’ll fall, one and all”
(Jimmy Cliff, The harder they come ).

Après Rise up, documentaire sur la musique jamaïcaine d’aujourd’hui, que nous n’avons malheureusement pas pu voir, le dernier film au programme, Une étrange cathédrale dans la graisse des ténèbres, mettait en scène l’écrivain et dramaturge haïtien Frankétienne. Dans la cathédrale de Port-au-Prince effondrée, ce dernier disait certains de ces textes. Le cinéaste Charles Najman (auteur, entre autres, de Royal Bonbon, également filmé à Haïti) a adopté un étrange parti en se cantonnant pendant presque tout le film à cet unique décor et à cet unique personnage. Même si les paroles de Frankétienne ne manquent pas de force, cela ne suffit peut-être pas tout à fait pour faire un film.

« La planète titube. La planète trébuche. La planète vacille. La planète oscille. La planète vire et chavire en tressaillements de frayeur et déraillements de terreur.
– C’est la gangrène dans l’opéra ! Le macabre opéra des rats ! […] – Il fait obscurément noir ! Il n’y a pas de lumière ! Il n’y a que ténèbres !
– Intenses battements du gouffre quand l’abîme nous avale.
– Epouvante et panique !
– Corps meurtris ! Corps défigurés ! Corps broyés ! » (Frankétienne, Le Piège).