« C’est comme ça que je t’aime »

— Par Selim Lander —

Mais c’est bien sûr, je t’aime, tu m’aimes mais je t’insupporte et toi tu ne me supportes pas. Tu es bête et je suis lourdingue, tu t’agites sans arrêt comme une folle et je traîne comme un vieux pachyderme, je te voudrais belle comme Venus mais je ne suis pas un Apollon, tu es toujours trop pressée et j’ai perdu mes lunettes, ou les tickets pour le théâtre, etc., etc. Tout cela – et bien d’autres griefs tous aussi légitimes aux yeux de celui qui les prononce – est présent dans le montage de textes concocté et mis en scène par Ludovic Pacot-Grivel.

Tandis que les blocs notes tombent du ciel comme le plat de choucroute, que les verres volent comme le bouquet de fleurs bientôt suivi par son vase, une comédienne, Taya Skorokodova et un comédien, Nadir Louatib, maniant la langue française avec une virtuosité que leurs patronymes ne laisseraient pas deviner, présentent diverses variantes du thème « je t’aime moi non plus ». Le texte est un agréable pot-pourri de sketches de l’auteur allemand Karl Valentin (1882-1948) et, pour l’un d’entre eux, de Georges Courteline (1858-1929), figure incontournable du Boulevard à la française, plus quelques « perles » empruntées à des artistes de variété.

L’un des mérites de ce spectacle où l’on s’amuse beaucoup réside justement dans le contraste entre les deux auteurs, Courteline présentant une vision de l’adultère et du cocufiage très XIXe siècle dans une scène particulièrement drôle – et souvent jouée sur les scènes de théâtre – dans laquelle une femme volage met son mari au défi de venger son honneur en s’attaquant à l’amant au moins putatif. Comme ce dernier est un vaillant officier et le mari simple matamore, on imagine toutes les ruses qu’il doit inventer pour se défiler face à une épouse qui prend un malin plaisir à le provoquer.

Les comédiens sont au rendez-vous, la demoiselle peut-être un cran au-dessus du monsieur, plus pince sans rire tandis que sa camarade manie le geste autant que la parole.

Ils déploient tous les deux la même énergie dans des intermèdes dansés drolatiquement, sur les rengaines interprétées par Nicolas Biger, « chanteur des rues » qui s’accompagne à la guitare.

 

PS : Un bémol. Qu’on n’ait pas coupé la clim pendant la représentation, ce qui s’avère doublement pénalisant pour les spectateurs installés au fond de la salle juste en-dessous des bouches d’air froid, d’abord parce qu’ils se gèlent et ensuite parce que le bruit de la soufflerie gêne l’écoute, au point de rendre certaines fins de phrases inaudibles (en général les chutes censées les plus drôles) si le comédien a le malheur de laisser tomber sa voix.

 

Fort-de-France, Théâtre municipal, 14, 15 et 16 décembre 2017.

Production Théâtre des Bains-Douches, Le Havre.