Centrale électrique de charbon biomasse : il faut arrêter!

— Par Garcin Malsa —
usine_biomasseMmes les Ministres (1)

Profitant de votre passage en Martinique, je voudrais attirer votre attention sur un projet majeur lié à l’énergie dont la réalisation risquerait d’impacter de façon dramatique, voire irréversible, des domaines écologiques, économiques et sociaux de la Martinique. Il s’agit du projet de centrale électrique de cogénération de charbon biomasse à Trinité.

Ce projet en cours, qui a déjà reçu certaines autorisations administratives, nous est présenté alors qu’aucun bilan sur le milieu naturel (notamment atmosphérique et aquatique) n’a été fait et publié pour ce qui est du fonctionnement depuis 7 ans de la turbine à combustion à gasoil d’une puissance de 40 Mégawatts/heure (CG1), implantée sur le même site et par la même société.

Compte tenu de nos analyses et expertises relatives à ce projet énergétique d’une puissance électrique de 37.5 Mégawatts/Heure, nous pouvons faire les remarques suivantes :
1) Bien que présentée comme étant une unité de cogénération, devant produire de l’électricité à partir de la combustion de biomasse et de charbon, il ressort que c’est le charbon importé de Colombie, Mexique, USA, qui sera finalement le principal combustible économiquement viable d’un tel projet. En effet la bagasse disponible, ne représentant que 10% de la capacité de production de cette unité.
Le pétitionnaire (société ALBIOMA SA, ancienne séchilienne-sidec et propriété du fonds d’investissement étasunien APAX-partenaires), propose d’importer de la sciure de bois, provenant du massacre des forêts tropicales amazoniennes du Brésil, à plus de 2000 kms de la Martinique par voie maritime. Est-ce sérieux, au moment où il est question de développement endogène, de protection de la biodiversité et de lutte contre le réchauffement climatique ?

Tout faire pour arrêter ce projet

2) Le transport du charbon (combustible fossile) et de la biomasse stockés au port de Fort-de-France dont on prévoit, entre autre à cet effet, l’extension en détruisant les derniers coraux de la baie de Fort-de-France à des fins de remblais, entraînera une augmentation importante du trafic routier déjà très embouteillé du fait des camions livreurs qui devront se déplacer du port de Fort-de-France vers le lieu de production à Galion Trinité ; soient 110.000 tonnes par an de charbon qui devront être livrées.

3)Le site géographique d’implantation choisie, se trouve sur la côte aux vents, recevant les alizés de l’Atlantique qui seront souillés par les nombreux polluants chimiques, toxiques issues de fumées de combustion de charbon, avant de se répartir à l’intérieur des terres. Ce qui représente une catastrophe écologique avancée qui viendra s’ajouter à celle déjà causée par le chlordécone et les multiples épandages aériens, mettant ainsi totalement en péril la sécurité sanitaire des Martiniquais et la biodiversité de la Martinique.

4)Sur le plan économique, nous sommes particulièrement étonnés, du montant de l’investissement prévu, qui est de 160 millions d’euros pour une capacité de production électrique installée de 37.5 Mégawatts/heure. Ce qui représente en
moyenne 4.3 millions d’euros le Mégawatt/heure électrique installé. A titre de comparaison, la centrale électrique de Belle-fontaine, d’une puissance installée
de 220 Mégawatts/heure a coûté 450 millions d’euros, soit 2.05 millions d’euros par Mégawatt/heure électrique installé.

Une telle comparaison démontre parfaitement, que le projet de la centrale électrique du Galion, coutera deux fois plus chère que la centrale thermique de Bellefontaine par Mégawatt/Heure installé.

Il se trouve que les ratios nationaux et européens montrent que le coût d’installation du Mégawatt/heure des centrales électriques à charbon est généralement moins cher que celui des centrales électriques à gasoil. Nous sommes ainsi interpellés par cette situation atypique. Serait-elle due au fait que cet investissement, pouvant faire l’objet de défiscalisation (50%), pourrait finalement attribuer le coût total de l’investissement aux contribuables ?

Pour toutes ces raisons, mesdames les ministres, nous espérons que vous prendrez les dispositions d’urgence pour faire arrêter ce projet. Je me tiens à votre disposition pour présenter nos analyses et expertise sur cette question ainsi que celles relatives à la destruction des coraux que j’ai évoquée dans ce courrier.

Garcin Malsa

Conseiller général de Martinique, Président du Conseil des rivages français d’Amérique

(1) Lettre à Mme Ségolène Royal, Ministre de l’Écologie du Développement durable et de l’Energie Mme George Pau-Langevin, Ministre des Outre-mer