Laos : Les hommes descendent des courges !

Carnet de route du Laos

— Par Roland Sabra —

Mes proches le savent : je m’étais toujours promis de retourner au Laos. J’ ai souvent raconté l’expérience de mon premier voyage en 1975 quelques semaines avant la prise officielle du pouvoir par le Pathet Lao, le bras armé du parti communiste. Le soir assis sur la terrasse du premier étage de l’hôtel de Paris à Vientiane, en sirotant une bière, j’assistais à l’arrivée tranquille mais déterminée des soldats du Parti Révolutionnaire du Peuple Lao. Trois par trois, vêtus à la chinoise dans des uniformes vert-olive, l’Ak47 en bandoulière, et trois grenades rondes, elles aussi de fabrication chinoise, à la ceinture. Deux ans auparavant un cessez-le feu général avait permis la mise en place, pour la forme, d’un gouvernement d’union nationale les communistes contrôlant 11 des 13 provinces. Il restait à prendre Vientiane, ce qui fut donc fait en 1975 en même temps que la démission forcée de tous les ministres non-communistes était obtenue sans difficultés. Et les révolutionnaires laotiens ont gardé le nom donné par le colonisateur français qui unifiait l’administration des différentes « principautés » ou minis royaumes qui se partageaient les territoires de son protégé et baptisait la nouvelle entité d’un nom unique « Laos ». C’est la méconnaissance du sujet qui poussa l’administration coloniale à une erreur sémantique. En toute logique le pays aurait dû s’appeler le Lao ( sans s) puisque c’est l’expression utilisée sur place pour désigner indifféremment le territoire et/ou n’importe lequel de ses habitants. Laos avec un « s » donc désignerait les Laos, peuple du Lao. Le choix impropre de la puissance coloniale est néanmoins resté et figure désormais sur toutes les cartes et atlas du monde entier…

L’archéologie atteste d’un peuplement très ancien au moins 10 000 ans avant JC. Selon une légende lao, trois courges sont à l’origine du l’humanité : dans la première, il y avait les « Khas », dans la seconde les Laos et dans la troisième les Mandarins et les Blancs ( ces derniers ayant été rajoutés in-extremis dans une version tardive). Il est difficile d’imaginer que trois courges seulement aient pu à elles seules engendrer une telle diversité. Le Laos qui compte 7 millions d’habitants ( 3 millions en 1975) sur un territoire de 235 000 km² est une véritable mosaïque d’ethnies. Les Laos, majoritaires, sont de même origine que les Thaïs et les Shans de Birmanie. Ils auraient commencé à peupler les vallées du Mékong et de ses affluents au XIé siècle, refoulant les premiers occupants ( les Khas) vers des terres moins hospitalières. Maîtres des terres riches, capables de communiquer grâce à leur implantation continue le long des fleuves, ils ont pu s’édifier peu à peu en nation organisée.

Les Khas n’ont jamais sérieusement disputé aux Laos leur prédominance. D’origine indonésienne et de langue de même origine que les Khmers l’ethnie présente peu de facteurs d’unité. Les Khas ( appellation signifiant « esclaves », utilisée à leur endroit par les peuples de la plaine) vivent entre 500 et 1000 mètres d’altitude dans des conditions économiques aujourd’hui encore difficiles. Ils n’ont ni la richesse du riz irrigué des Laos, ni celle de l’opium des tribus sino-tibétaines des terres les plus hautes. Une autre part de la population se partage entre des Thais, rouges, blancs ou noirs et il ne faut pas oublier les Méos etc. Toutes ces indications, cher lecteur, je ne les ai pas inventées, je les ai retenues de voyages anciens et revérifiées dans des guides aujourd’hui disparus des rayonnages de nos librairies.

Toujours est-il que c’est avec un vrai bonheur, qu’au terme d’un voyage de 18 heures à partir de Paris je suis arrivé à Luang Prabang qui ne ressemble plus guère à la toute petite ville de ma jeunesse mais qui garde encore grâce à son classement en 1995 par l’UNESCO au Patrimoine de l’Humanité un charme fou. Pas de construction en hauteur mais des maisons de un à deux étages au maximum, d’anciennes villas coloniales restaurées, des temples et des pagodes, un musée national et une troupe de ballet traditionnel au spectacle duquel je me suis précipité le soir même de mon arrivée…

R.S

Le 18 février 2019