BITTER SUGAR « La revue nègre contemporaine » de Raphaëlle Delaunay

par Christian Antourel —

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« Si l’on en croit certaines sirènes, la danse jazz serait une éternelle oubliée. Il existe pourtant des manifestations clairement consacrées à ce style de danse, et d’autres qui proposent autour d’elle des alliages inédits »

Autour de Raphaëlle Delaunay, danseuse d’origine antillaise et d’Asha Thomas, danseuse noire américaine de la Compagnie Alvin Ailey. Trois interprètes, toutes de formations différentes, prolongent dans la transposition d’un hip hop métissé de musique électro et de danse africaine, la musique exubérante et l’excentricité d’un jazz déluré et dénudé, éloquent, joyeux et poétique. Qui passe par les corps en éruption et rappelle dans le swing majeur d’un rythme effréné de charleston, de lindy hop, du black botton, du fox-trot , ragtime au piano très syncopé et de shim sham. Autrefois à l’affiche du Savoy, principal dancing de Harlem dans les années 20/30. L’important est de s’amuser, de faire la fête, de rire, par le plaisir de la danse et du rythme. Dans le souvenir, évoquer les esprits, sans nostalgie, des Duke Ellington, Cab Galloway, Louis Armstrong, Ella Fitzgerald, et Joséphine Baker. On peut croire Raphaëlle Delaunay directement sortie d’un shaker, secouée dans une mobilité chorégraphique, tant sa production semble un cocktail de ses différentes expériences. Que nenni, elle n’a rien d’un clone du succès. C’est la réussite partenaire du classique estampillé Opéra de Paris, au jazz, en passant par la création contemporaine très privilégiée. Une multiplicité de sens où la gestuelle en répliques est à considérer comme « une passerelle avec d’autres mouvances plus actuelles, qui s’imposent avec évidence comme contrepoint, mais aussi comme prolongement de cette culture afro-américaine qu’est le jazz »

« Un coup de projecteur sur les danses noires américaines »

Dans son spectacle elle veut imposer une véritable stratégie narrative, guidant le spectateur sans didactisme en le laissant rêver l’Histoire du Bal Nègre. Et que toutes ces clefs de raisonnement n’empêchent ni l’émotion, ni la surprise. Ainsi ici, l’intelligence de la chorégraphie, consiste essentiellement à comprendre les finesses de la danse et à diriger les danseurs, pour qu’ils les fassent entendre dans cette mixité gagnante. Raphaëlle Delaunay les fait voir dans les corps en permanente redirection. « On ne peut pas reproduire ces danses… j’essaye d’en extraire l’essence, de les assimiler, les décoder, les défragmenter…. Je me fais une version de la danse jazz qui m’est propre » affirme t’elle. Elle se joue des difficultés de la passion et veut affirmer l’altérité des possibilités chorégraphiques. Pour autant pas du tout dépourvue de désinvolture, d’insolence et d’inventivité. Transcendant la technique pour élargir son domaine de définition, la chorégraphe ne donne guère le choix aux danseuses qui se doivent d’être excellentes. Elle leur fait confiance pour être plus vraies que nature et les danseuses prennent à leur compte, cette vérité chevillée au corps. Interprètent subtiles et athlétiques hip hop ne se contentent pas de croiser leur art, puisque chacune s’empare de celui de l’autre et le fait sien. Les danseuses portées par une synergie et une volonté, vecteur d’émotion, se jaugent, se mesurent, s’affrontent, se séduisent avec toute la vigueur et l’énergie vitale nécessaire ; Quand toutes les nuances que la partition scénographique comporte, reposent sur une belle unité plastique.

« Le jazz, c’est l’âme heureuse du peuple noir » 

Raphaëlle Delaunay entre en duel avec la danse fonctionnelle et étatisée et elle y réussit la meilleure estocade, sans que sa danse ne devienne pour autant révolutionnaire. Le cadre formel est posé : d’une part, les traits précis des trajectoires qui disent toute la réflexion du jazz   « comme seul moyen d’extérioriser ses angoisses, impossible à formuler par le verbe libérateur » ; d’autre part, la profusion d’un savoir danser face au miroir de la créativité. Ainsi ce ballet s’empare de la scène dans un combat entre lui et lui-même. « Il s’interroge sur la nature et la perception du spectacle, cherchant comment la scène fait sonner les corps et comment on les applaudit » Au-delà d’un ancrage contemporain, sur le déterminisme et la liberté de l’individu face à son destin, le spectacle prend cette forme d’une irruption nécessaire et séduisante. D’un dialogue philosophique hérité des lumières concomitantes du parcours artistique de Raphaëlle Delaunay, dans un spectacle sur mesure, où la dynamique du ballet doit se mettre au diapason de l’histoire du jazz. Une célébration organique et sensuelle de la danse même. La danse il faut la caresser dans le bon sens, la cajoler, la courtiser, aller vers elle, la ressentir…ne pas la contrarier. S’il fallait en rester sur le succès remporté par Bitter sugar, depuis sa création en 2009, tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes pour la Compagnie. Mais Raphaëlle Delaunay est en quête de nouveaux moyens pour poursuivre sa recherche. C’est-à-dire que le groupe tend vers cet idéal en faisant preuve de cohésion comme si désormais chacun était résolu sur la direction à prendre, pour se voir conférer une plus forte et nouvelle autorité sur les scènes de demain.

Christian Antourel.

 

 

Raphaëlle Delaunay

 

Formée à la Royal School Academy of Dancing de Londres et au Ballet de l’Opéra de Paris, elle danse pour Balanchine, Martha Graham, Roland Petit et Maurice Béjart.

 

Raphaëlle rejoint la troupe de Pina Bausch au Tanztheater Wuppertal en Allemagne. Puis intègre l’équipe de Jiri Kylian au Nederland Dans Theater d’Amsterdam. Désormais reconnue pour son travail chorégraphique Raphaëlle Delaunay crée des spectacles où elle contrebalance la danse moderne par des passages de danses anciennes. Elle est devenue son propre professeur !

 

 

Le SAVOY

 

Le célèbre dancing de Harlem sur Lenox avenue, créé le 12 mars 1926. A connu sonapogée danslesannées 1930 et 1940. Lasalledebalpouvait recevoir jusqu’à 5000 clients. Présentée comme la plus belle salle au monde : 700 000 clients y défilaient par an et par conséquent la piste de danse en bois, devait être entièrement refaite tous les trois ans. Le Savoy fut surnommé à raison «  La Maison des pieds heureux » L’endroit accueillait les meilleurs danseurs de la musique des  danses jazz  anglo-saxonnes et noires américaines  de Harlem, qui rivalisaient d’inventivité dans une ambiance survoltée. S’y produisaient les orchestres les plus réputés, qui s’opposaient dans des joutes musicales mémorables. Le Savoy ferma ses portes en 1958.

 

 

Le Bal colonial ou le Bal Nègre

 

Au 33 de la rue Blomet à Paris XV ème dans la même période de l’entre deux guerres fut témoin de la vie et de la culture des Antillais de Paris. La biguine d’abord y régna en maitresse des lieux et bien vite les mêmes musiques de danses jazz  prirent le pas sur la biguine. L’endroit connu une fréquentation mouvementée de la diaspora du Montparnasse à la mouvance du tout Paris.

 

Salle Aimé Césaire de l’ATRIUM

 

Samedi 11 Juin – 20 heures.

 

 

« Texte adapté par l’auteur, à partir d’un papier publié dans le Magazine France Antilles »

 

 

Juin 2011

 

 

Bitter sugar

(Compagnie Raphaëlle Delaunay)

le samedi 11 juin 2011

 

Chorégraphie
Raphaëlle Delaunay

Avec
Bénédicte Colmar, Raphaëlle Delaunay, Sonia Mvondo, Sandra Sainte Rose-Franchine, Asha Thomas
Son
Pierre Boscheron – Sébastien Trouvé
Lumières
Maël Guiblin

 

Bitter sugar revisite les danses sociales de la communauté afro-américaine des années 20/30 : Lindy hop, foxtrot, shim sham… aussi appelées danses swing par leur joie communicative et leur supplément d’âme, ce mystère inexpliqué, qui fascine.

Ce balancement, dans la traduction littérale du mot, ce jeu autour de la mesure, si bien maîtrisé par Billie Holiday, est le point de convergence de cette création avec des interprètes de culture de danses différentes.

L’appropriation de ce patrimoine nécessitait une passerelle vers des mouvances plus actuelles. Le hip-hop s’est imposé comme contrepoint, en prolongement de cette culture afro-américaine qu’est le jazz.

Bitter Sugar est l’expression joyeuse et délurée d’une histoire au goût amer, celle de corps qui se perdent et se retrouvent. Une charge émotionnelle, qui se raconte par le plaisir de la danse et du rythme. Une histoire de corps qui réinvestissent une page d’histoire.

Bitter Sugar, un moment du pur bonheur et d’élégance. Celle qui vient du cœur – Ouest France
Antipodes’ 09 – Exceptionnel ! Ce spectacle est un véritable coup de cœur – Le Télégramme

Raphaëlle Delaunay

Martiniquaise, diplômée de la Royal School of Dancing de Londres, puis de l’Opéra de Paris, médaille de bronze au concours Eurovision de la Danse, elle se distingue à l’Opéra puis vit une brillante carrière internationale dans de grandes compagnies : Pina Bausch, Jiri Kylian, Alain Platel… Depuis 2000 elle trace sa propre voie chorégraphique, reflet de son parcours d’interprète libre.

Coproduction Centre National de Création et de Diffusion Culturelles de Châteauvallon,
Théâtre de Suresnes Jean Vilar/Suresnes cités danse 2009 et 2010, Le Quartz Scène nationale de Brest, Arcadi pour l’aide à la production.
Avec le soutien du Théâtre de Vanves, plateau pour la danse.
Bitter Sugar a bénéficié de la mise à disposition de studios au Centre national de la danse.