Avis sur le harcèlement sexiste et les violences sexuelles dans les transports en commun

harcelement_sexisteL’Avis du Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh) relatif au harcèlement sexiste et aux violences sexuelles dans les transports en commun, dit «harcèlement de rue» :
 définit le phénomène de harcèlement sexiste et des violences sexuelles dans l’espace public,comme étant des manifestations du sexisme qui affectent le droit à la sécurité et limitent l’occupation de l’espace public par les femmes et leurs déplacements en son sein. Le harcèlement sexiste dans l’espace public se caractérise par le fait d’imposer tout propos ou comportement, à raison du sexe, de l’orientation ou de l’identité sexuelle supposée ou réelle d’une personne, qui a pour objet ou pour effet de créer une situation intimidante, humiliante, dégradante ou offensante portant ainsi atteinte à la dignité de la personne. Le harcèlement sexiste peut prendre des formes diverses comme des sifflements ou des commentaires sur le physique, non punis par la loi, ou des injures, punies par la loi. Les violences sexuelles sont définies par la loi dans toutes leurs manifestations. Elles recouvrent l’exhibition et le harcèlement sexuel ainsi que les agressions sexuelles (mains aux fesses, «frottements», etc.) dont le viol. La frontière entre le harcèlement sexiste et les violences sexuelles est ténue. Une même agression peut commencer par du harcèlement sexiste et se poursuivre par des violences sexuelles.

diagnostique le phénomène du harcèlement sexiste et des violences sexuelles dans les transports comme massif, violent et aux impacts négatifs importants, en particulier pour les victimes et les témoins. Il constitue une violation des droits humains (liberté de circuler et droit à la sécurité), un frein à l’égal accès aux services publics des transports, et une violence de genre. Ce phénomène touche plus particulièrement les filles et les jeunes femmes. Les transports en commun constituant un vecteur majeur de liberté pour les femmes – qui en sont davantage utilisatrices que les hommes – l’impact négatif de ce continuum de violences sur leur vie quotidienne est important (sentiment d’insécurité dans l’espace public, freins à la mobilité, injonctions vestimentaires et de comportements, peur d’être jugée sur son apparence, sa sexualité ou sa capacité à plaire aux hommes, etc.), comme sur le  vivre ensemble (frein à la sociabilité, renforcement des stéréotypes de sexe, etc.), et le maintien des inégalités et des discriminations entre les femmes et les hommes.

2/3 des voyageurs des transports publics en commun sont des femmes.
Source : Chantal Duchène, «Transport et parité des sexes», Document de référence 2011 – 11, Forum International des Transports/OCDE 
100% des utilisatrices des transports en commun ont été victimes au moins une fois dans leur vie de harcèlement sexiste ou agressions sexuelles  , conscientes ou non que cela relève de ce phénomène.
Les jeunes femmes sont particulièrement concernées

. Dans plus de 50% des cas, la 1re agression intervient avant 18 ans.
Source : Résultats des consultations menées par le HCEfh, mars 2015 
. Dans les transports en commun, 2/3 des victimes d’injures et insultes sont des femmes, tout comme l’écrasantemajorité des victimes de violences sexuelles
. Les victimes de coups et blessures sont principalement des hommes.
Source : Les violences faites aux femmes dans les transports collectifs terrestres – Synthèse de l’étude exploratoire, de l’ONDT et du CIPC, mars 2015 
. Ces violences sexistes et sexuelles faites aux femmes ont lieu principalement dans les bus et bus scolaires sur l’ensembledu territoire , les violences dont les hommes sont victimes ont plutôt lieu dans le train.
Source : «Les violences faites aux femmes dans les transports collectifs terrestres – Synthèse de l’étude exploratoire», de l’ONDT et le CIPC, mars 2015 
. Ces violences sont plutôt commises dans la journée, entre 8h et 20h, c’est-à-dire au moment où les femmes fréquententle plus les transports en commun. Les hommes constituent la majorité des victimes à partir de 21h.
Source : «Les violences faites aux femmes dans les transports collectifs terrestres – Synthèse de l’étude exploratoire», de l’ONDT et le CIPC, mars 2015 
. 6 femmes sur 10 craignent une agression ou un vol dans les transports franciliens contre 3 hommes sur 10 .
Source : Enquête de victimation par l’Institut d’aménagement et d’urbanisme de la région Ile de France, 2011

INSÉCURITÉ

rappelle la responsabilité des sociétés de transports en commun tenues à «l’obligation d’offrir des conditions maximales de sécurité aux personnes qu’elles transportent»,
ainsi que celle des conseils généraux et des communes concernant la sécurité des élèves sur les aires de stationnement des cars scolaires et en leur sein.
entend la société civile, en premier lieu les associations féministes et les femmes, aujourd’hui décidées à ne plus taire, minimiser ni tolérer ce phénomène , mais au contraire à parler, nommer et dénoncer pour mieux collectivement faire changer les comportements et reculer ces violences.
observe que le Gouvernement, les collectivités territoriales et les entreprises de transport expriment de plus en plus leur volonté de passer à l’action en s’inspirant des politiques déjà menées dans certains pays étrangers, souvent à l’échelle de villes (Angleterre, Canada, États-Unis, Brésil, etc.).
affirme qu’il faut rompre le silence, faire connaitre et reconnaitre le phénomène et donner à toutes et tous les moyens d’agir .
1 Extrait du plan national de sécurisation des transports adopté le 14 avril 2010. Ce plan repose sur quatre orientations majeures : l’anticipation plutôt que la réaction ; la coordination des acteurs ; la démultiplication des moyens ; la concentration des efforts sur des objectifs ciblés : http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/PNST.pdf 
souligne enfin les principes d’action et les points de vigilance suivants :

PRINCIPES DʼACTION ET POINTS DE VIGILANCE SOULEVÉS PAR LE HCEFH

 Adopter une approche globale qui analyse les violences de genre comme un continuum, de la sphère privée à l’espace public, du «sexisme ordinaire» aux violences sexuelles. Reconnaitre le caractère universel du phénomène de harcèlement sexiste et de violences sexuelles dans l’espace public, non réductible à un profil type d’hommes, de lieux ou de territoires. Impliquer les usager.ère.s comme les associations spécialisées dans une démarche de co-construction pour des diagnostics et des propositions efficaces au plus près des réalités et des besoins. Intégrer l’égalité femmes-hommes lors de l’élaboration ou l’amélioration des politiques des transports en commun au-delà de la seule question de la sécurité et des violences : conception de transports adaptés aux besoins des femmes et des hommes (accessibilité, horaires, etc.), égalité professionnelle dans ce secteur d’activité, parité dans les instances de décision. Impliquer l’ensemble des collectivités territoriales en raison de leurs compétences en matière de transports publics tant sur l’organisation que le financement. – les communes : transports urbains et une partie du transport scolaire – les départements : transports non urbains et interurbains et scolaires – les régions : transports régionaux. Solutions non mixtes qui renforceraient la ségrégation sexuée et sexiste de l’espace public et s’inscriraient dans une vision défensive des rapports sociaux (ex : wagons ou bus réservés aux femmes). Recours à des messages inappropriés qui renforcent le sentiment d’insécurité, en particulier des femmes (ex : «évitez les lieux déserts ,les voies mal éclairées, les endroits sombres où un éventuel agresseur peut se dissimuler») et la culpabilisation des victimes et des témoins(ex: «évitez de prendre les transports dans une tenue «sexy»).Non reconnaissance du caractère sexiste d’un phénomène qui exprime la domination masculine par le contrôle du corps des femmes. Présentation globalisante projetant tous les hommes en agresseurs potentiels, en parlant «des hommes» plutôt que «des hommes auteurs».
recommande en conséquence d’établir un plan national d’action «Stop au harcèlement sexiste et aux violences sexuelles sur toute la ligne» articulé aux plans nationaux existants concernant la lutte contre les violences faites aux femmes d’une part, et la sécurisation des transports d’autre part. Ce plan repose sur 3 orientations visant à mettre la société en mouvement pour permettre aux femmes, comme aux hommes, d’exercer sans entraves et en toute sécurité leur liberté de circuler :

Pour un PLAN NATIONAL D’ACTION «STOP AU HARCÈLEMENT SEXISTE ET AUX VIOLENCES SEXUELLES SUR TOUTE LA LIGNE» reposant sur 3 orientations et 15 recommandations
ORIENTATION N°1 : Définir et mesurer le harcèlement sexiste et les violences sexuelles dans l’espace public, en particulier dans les transports en commun
 Recommandation 1 :
Adopter une définition partagée pour dénoncer l’ensemble de ces violences, rappeler l’interdit des violences sexuelles, inciter à l’application de la loi et dénoncer les violences sexistes à partir de la définition proposée par le HCEfh.
 Recommandation 2 :
Faire réaliser dès 2015 une étude et une enquête de victimation par l’ONDT en association avec la MIPROF et le HCEfh 2.
 Recommandation 3 :
Organiser des consultations citoyennes, des « transports exploratoires » et/ou des comités d’usager.ère.s pour une co-construction des diagnostics et des réponses à apporter à l’échelon national et local.
Recommandation 4 :
Saisir le HCEfh pour évaluer le plan national d’action afin de mesurer l’impact des campagnes et dispositifs mis en place par l’État, les collectivités territoriales et les entreprises de transport.
ORIENTATION N°2 : Agir au niveau des opérateurs de transports, en actionnant 4 leviers
Levier 1 : adapter et faire connaitre les systèmes d’alerte (d’urgence et a posteriori)
 Recommandation 5 :
Mettre en place une communication pérenne «Stop au harcèlement sexiste et aux violences sexuelles sur toute la ligne»(affichettes, stickers, messages audios, etc.).
Recommandation 6 :
Adapter et faire connaitre les systèmes d’alerte existant (numéro d’alerte, bornes d’urgence sur les quais ou en gare) :- en mentionnant explicitement les « violences » comme motif de recours («En cas de danger, de violences ou de malaise, appelez ce numéro») ;- en généralisant le 3117 (numéro d’alerte de la SNCF) sur l’ensemble des réseaux de transports, en le complétant de la possibilité d’envoyer un sms et de télécharger une application ;- en inscrivant le 3117 sur les titres de transports (tickets, pass, billets électroniques, etc.).
Recommandation 7 :
Permettre le signalement a posteriori  , en créant une rubrique dédiée sur les sites internet et réseaux sociaux des entreprises de transports pour encourager la remontée des signalements et le partage de témoignages entre usager.ère.s.
Levier 2 : outiller les professionnel.le.s pour réagir aux situations de harcèlement et orienter les victimes
Recommandation 8 :
Construire avec les entreprises du secteur un module de formation à destination des agent.e.s des transports afin de permettre une meilleure appréhension et prévention du phénomène, et à améliorer la protection et l’orientation des victimes. Ce module de formation devra être développé avec l’appui technique de la MIPROF.
Levier 3 : innover dans l’organisation des transports (arrêts à la demande, amplitude horaire, adaptation à la fréquentation des transports, etc.)
Recommandation 9 :
Expérimenter le programme « Entre deux arrêts » dans les réseaux de bus des collectivités territoriales volontaires, à l’image des expériences canadiennes (Québec, Toronto, Montréal). Visant à rassurer une personne seule qui ne se sent pas en sécurité la nuit, ce programme offre la possibilité de demander à descendre entre deux arrêts pour se rapprocher de sa destination.
Levier 4 : réduire l’exposition de toutes et tous à des publicités sexistes (slogans et images)
Recommandation 10 :
S’engager au respect d’une charte luttant contre le sexisme et les stéréotypes de sexe dans les publicités diffuséesdans les transports. La Charte sera élaborée conjointement avec les pouvoirs publics.
2 ONDT : Observatoire national de la délinquance dans les transports ; MIPROF : Mission interministérielle pour la protectiondes femmes victimes de violences et la lutte contre la traite des êtres humains

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