Après le Brexit, quelle rupture en Europe ?

— Par Catherine Mathieu et Henri Sterdyniak des économistes atterrés. —

economistes_atterres L’Europe se meurt, l’Europe est morte… Une nouvelle fois, la tenue d’un référendum, en l’occurrence au Royaume-Uni, montre à quel point l’Union Européenne est devenue impopulaire pour les peuples des pays membres.
Le départ du Royaume-Uni survient après la crise des dettes des pays du Sud, la crise grecque, l’échec des politiques d’austérité et de réformes structurelles en même temps que la crise des migrants. De toute évidence, il faut changer l’Europe, en repenser en profondeur tant le cadre institutionnel que les politiques menées.

Selon nous, cela demande en priorité un tournant vers une autre politique tournée vers le plein emploi, la réduction concertée des déséquilibres entre pays, une mise en cause de la domination de la finance sur l’économie, une politique industrielle active organisant la transition écologique, l’harmonisation vers le haut des systèmes sociaux nationaux, une harmonisation fiscale mettant fin à l’évasion fiscale des plus riches et des firmes multinationales, enfin une démocratisation des institutions nationales et européennes redonnant des pouvoirs aux peuples au détriment des technocraties nationales et européennes. Ce n’est que dans ce cadre que des progrès institutionnels pourront être réalisés et acceptés par les peuples.

Pour d’autres au contraire, le départ britannique devrait permettre d’accentuer le caractère fédéral de la zone euro et d’aller vers une Union politique, cela sans consulter les peuples puisque ceux-ci répondent maintenant Non à toutes les questions concernant la construction européenne, cela sans changer les politiques suivies. Aussi les peuples devront-ils être vigilants ; l’avenir de l’Europe dépendra des rapports de force.

Un « Rexit » plutôt qu’un « Lexit ».
Le 23 juin, les Britanniques ont décidé que leur pays quittait l’Union européenne. C’est un choix démocratique, qu’il faut respecter. Cependant, les motivations des votes étaient diverses. Le « Remain » conservateur, était un Oui à une participation britannique limitée à un marché unique par les concessions obtenues par le gouvernement de David Cameron le 19 février à Bruxelles ; le « Remain » travailliste un Oui à l’espoir d’une Europe sociale renforcée, qui garantisse les droits sociaux des salariés britanniques. Le « Brexit » mélangeait le désir des Britanniques de retrouver leur pleine souveraineté et de préserver leur identité nationale, par le rejet de l’immigration, le refus de la solidarité avec les pays européens les plus pauvres, avec des arguments souvent d’inspiration libérale contre la « social-bureaucratie » imposée par Bruxelles. Une partie de la gauche du parti travailliste est certes, depuis toujours, contre l’intégration dans une Europe libérale, mais on ne l’a guère entendue dans la campagne. C’est finalement un Rexit, une sortie avec des arguments réactionnaires, contre la solidarité entre peuples, contre l’harmonisation fiscale, sociale, réglementaire, et non un Lexit, une sortie pour mener une politique plus sociale, plus favorable aux travailleurs, plus solidaire…

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