Africains et Révolution atlantique

—par Vincent Hiribarren —

Ceux qui se souviennent des débats sur la loi Taubira de 2001 et sur le livre d’Olivier Pétré-Grenouilleau, Les traites négrières: essai d’histoire globale n’auront pas oublié l’âpreté de débats () autant politiques qu’historiques sur la reconnaissance de l’esclavage comme un crime contre l’humanité. Depuis le début des années 2000, les études historiques se multiplient et montrent que l’histoire de l’esclavage transatlantique mérite mieux qu’une amnésie historique ou un simple procès en racisme. En 2017, il est simplement évident que les Africains et leurs descendants ne peuvent plus être exclus des récits sur la Révolution et sur la construction des Etats modernes.

Il existe principalement deux façons d’interpréter la question de l’histoire atlantique parmi les historiens aujourd’hui. Pour les uns, il s’agit de l’histoire des révolutions qui ont essaimé sur les deux rives de l’Atlantique pendant le XVIIIe siècle. Longtemps, le problème de cette histoire était qu’elle s’intéressait principalement à l’Atlantique nord ou l’Atlantique des Européens et de leurs descendants. Une histoire très blanche en somme. Pour d’autres historiens, il s’agit plus de l’histoire de la traite transatlantique des esclaves africains avec tous les changements que celle-ci a apportés sur les trois continents. Peu d’historiens arrivent à relier ces façons d’appréhender l’histoire et récemment le livre de Paul Lovejoy, Jihad in West Africa during the Age of Revolutions, proposait un nouveau cadrage théorique pour cet âge des révolutions.

L’Afrique littorale qui apparaissait souvent en marge de cette histoire se retrouve affectée de toute évidence par sa relation avec l’Europe et l’Amérique et ce sont les contacts entre populations d’origines différentes que les auteurs aiment à souligner. Le volume et la violence de la traite transatlantique sont maintenant largement étudiés mais Randy Sparks rappelle aussi que la traite des esclaves n’était pas seulement due aux entreprises commerciales venues d’Europe. Certains Africains de la ville d’Anomabo au Ghana se sont ainsi enrichis  grâce au commerce des esclaves tout au long du XVIIIe siècle. Inversement, Pernille Røge montre comment les idées révolutionnaires ont pu façonner les conceptions d’un marchand français  sur les rives du fleuve Sénégal. Pour ce commerçant en manque de débouchés, les Africains devenaient des sauvages qu’il fallait civiliser. Enfin, Joseph Inikori rappelle comment les transformations économiques et donc sociales  qu’a connues l’Europe au XVIIIe siècle n’auraient pu être possibles sans le commerce des esclaves…

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