À propos de l’écriture inclusive

Déclaratipon de l’Académie Française sur l’écriture dite « inclusive » adoptée à l’unanimité de ses membres dans la séance du jeudi 26 octobre 2017

Prenant acte de la diffusion d’une « écriture inclusive » qui prétend s’imposer comme norme, l’Académie française élève à l’unanimité une solennelle mise en garde. La démultiplication des marques orthographiques et syntaxiques qu’elle induit aboutit à une langue désunie, disparate dans son expression, créant une confusion qui confine à l’illisibilité. On voit mal quel est l’objectif poursuivi et comment il pourrait surmonter les obstacles pratiques d’écriture, de lecture – visuelle ou à voix haute – et de prononciation. Cela alourdirait la tâche des pédagogues. Cela compliquerait plus encore celle des lecteurs.

Plus que toute autre institution, l’Académie française est sensible aux évolutions et aux innovations de la langue, puisqu’elle a pour mission de les codifier. En cette occasion, c’est moins en gardienne de la norme qu’en garante de l’avenir qu’elle lance un cri d’alarme : devant cette aberration « inclusive », la langue française se trouve désormais en péril mortel, ce dont notre nation est dès aujourd’hui comptable devant les générations futures.

Il est déjà difficile d’acquérir une langue, qu’en sera-t-il si l’usage y ajoute des formes secondes et altérées ? Comment les générations à venir pourront-elles grandir en intimité avec notre patrimoine écrit ? Quant aux promesses de la francophonie, elles seront anéanties si la langue française s’empêche elle-même par ce redoublement de complexité, au bénéfice d’autres langues qui en tireront profit pour prévaloir sur la planète.

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Si l’institution française tire une certaine légitimité de son histoire et du prestige de ses membres, elle ne fait pas figure d’autorité suprême et indiscutable de la langue française pour autant. Elle possède certes un droit de regard sur la publication au Journal officiel des termes et expressions nouveaux, comme le prévoit le décret de 1996 relatif à l’enrichissement de la langue française. Mais pour le reste, rien n’oblige à partager toutes ses positions, tout comme l’Académie des beaux-arts ne définit pas à elle seule ce qui serait « beau » ou non.
Des positions parfois contestées

Plusieurs exemples récents rappellent cet état de fait. Ainsi, l’Académie française s’oppose à la féminisation des fonctions et des titres lorsque ce serait contraire « aux règles ordinaires de dérivation ». Position qui s’est retrouvée au centre d’un débat houleux à l’Assemblée nationale en 2014. Le député UMP Julien Aubert, se fondant sur le verdict des académiciens, refusait d’appeler la socialiste Sandrine Mazetier « madame la présidente », préférant dire (contre la volonté de l’intéressée), « madame le président ». Se prévaloir de l’Académie française n’a pas empêché le député de se voir infliger une sanction financière.

La polémique autour de la prétendue « mort de l’accent circonflexe » en 2016 illustre également les contradictions de l’Académie en elle-même. A l’origine, on trouve des rectifications orthographiques proposées par le Conseil supérieur de la langue française et approuvées par l’Académie française en 1990. Parmi les possibilités, toutes facultatives, prévues dans ces dispositions, il y a le fait que l’accent circonflexe peut ne plus être employé sur les « i » et les « u » dans la plupart des cas.

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