A perfect day : engagé et jubilatoire

— Par Guy Gabriel —

a_perfect_dayA perfect day (Un jour comme un autre) », film de Fernando Leon de Aranoa, avec : Tim Robbins, Benicio Del Toro, Olga Kurylenko, Mélanie Thierry, Fedja Stukan, Comédie dramatique ; film espagnol Durée : 1h46min Festival : Festival de Cannes 2015

Nous sommes en1995. La guerre en Bosnie touche à sa fin. Les casques bleus préparent leur retrait et celui des aides humanitaires. Il ne reste qu’un jour aux quatre membres d’une ONG pour extraire un cadavre qui stagne au fond d’un puits et empêche toute une région d’avoir accès à l’eau potable. Problème : le macchabée est obèse. La mission, banale, vire au périple ubuesque ; on va suivre les péripétie d’un groupe d’humanitaires en mission dans cette zone en guerre : Sophie, nouvelle recrue, veut absolument aider ; Mambru, désabusé, veut juste rentrer chez lui ; Katya, voulait Mambru ; Damir veut que le conflit se termine ; et B ne sait pas ce qu’il veut, des personnages aux motivations, en apparence, divergents, mais qui se retrouvent devant les problèmes que pose l’après-guerre
.A perfect Day cache deux films ; le premier se présente sous la forme d’une chronique humaniste en nous faisant entrer dans l’univers des O.N.G., donc assez grave et, un deuxième qui navigue dans les eaux d’un humorisme plutôt réjouissant et qui fait penser, parfois aux personnages des frères Cohen. A la fois une œuvre engagée et jubilatoire, le film n’oublie jamais, pour autant l’objectif premier qui reste le travail compliqué des humanitaires : l’Humain avant tout, avec des scènes dont la légèreté passe par des dialogues qui fusent qui tout en soulignant la gravité des situations.
Une gravité que renforce l’absurdité des décisions officielles, allant tout-à-fait à l’encontre de la situation sur le terrain ; on n’est pas loin des interrogations posées par le cadavre de « Mais qui a tué Harry » d’Hitchcock ; en effet, un cadavre va entrainer des comportements qui défient toute logique, absence de logique mettant en relief les décisions à l’emporte-pièce des organismes officiels, qui, eux, contournent ou négligent complètement l’Humain, et nous entraine dans situation que ne désapprouverait Ubu
L’Espagnol Fernando León de Aranoa, qui a couvert la guerre en Bosnie mais aussi filmé des membres de Médecins sans frontières en Ouganda, prouve qu’on peut rire de situations graves, comme si c’était un mode de survie avec cette comédie absurde et noire, qui rappelle, bien sûr, le cinéma des frères Coen mais aussi celui du Mash de Robert Altman ; mais le rire peut coincer à certain moment.
Cette comédie sur le chaos et l’absurdité de la guerre, n’oublie pas de montrer que le choc des cultures est parfois un frein à la clarification simple de situations simples, soit, à cause de l’incompréhension, soit à cause de la mauvaise foi de certains, donnant ainsi raison à Einstein qui disait que « Deux chose sont infinies, l’Univers et la bêtise humaine. Mais, en ce qui concerne l’Univers, je n’ai pas encore acquis la certitude absolue » Benicio Del Toro est impressionnant de drôlerie, Tim Robbins est hilarant en vieux cow-boy charitable, et Mélanie Thierry, parfaite en petit soldat idéaliste. Mais, parfois, il devient impossible de rire : deux corps pendus dans une maison bombardée ou un bus entier de prisonniers sauvés in extremis : on passe de l’horreur à l’espoir.

Schoelcher, le 24-03-2016

G.G.