A Haïti, le coeur battant des jeunes créateurs

— Par Samuel Chalom —
bar_10-tractionAlors que s’ouvre en novembre, au Grand-Palais à Paris, une exposition inédite autour de l’art haïtien, Port-au-Prince continue de vibrer au rythme de son effervescence intellectuelle. Plongée dans un monde bouillonnant, malgré la misère.

Le bar 10-traction à Port-au-Prince, repère de la scène littéraire

Sur l’avenue Magloire-Amboise, dans le quartier des universités à Port-au-Prince, à proximité du marché Salomon, où l’on vient s’approvisionner en matériaux de constructions, entre les bruits de klaxons et les pots d’échappement, un bar discret, le 10-Traction, rassemble tout ce que la vibrante capitale haïtienne compte d’écrivains, de critiques littéraires, de poètes ou de slameurs. Autour d’une « Prestige », la bière nationale, ou d’un Ti-punch au rhum Barbancourt, dans ce « Café de Flore » antillais, la jeune garde de la littérature haïtienne refait le monde à la nuit tombée. Parmi eux, il y a Coutechève Lavoie Aupont, poète, connu pour son recueil de poèmes Partances (Rivarticollection, 2009), mais aussi James Pubien, un autre poète, cofondateur des éditions Bas de Page, Jerry Michel, un doctorant en sociologie à l’université Paris 8 qui prépare une thèse sur le rapport des Haïtiens à la mémoire, ou encore Béo Monteau, slameur et membre du collectif artistique Feu Vers.

Les habitués considèrent que la belle époque du lieu est désormais révolue et se plaignent d’une musique trop sonore, qui ne laisserait plus la place au débat. Mais la jeune garde de la littérature haïtienne est restée fidèle au lieu : « Ici, tu vois, il y a deux ou trois ans, c’était le repère des jeunes et des anciens. Et puis, depuis que le propriétaire a changé, ils passent de la musique commerciale pour attirer plus de clients » confirme Jerry Michel.

Du début des années 1950 jusqu’à la fin des années 1980, de tels rassemblements n’auraient pu avoir lieu: la dictature des Duvalier, père (« Papa Doc ») et fils (« Baby Doc »), interdisait une bonne partie de la production littéraire, qui du coup trouvait refuge à l’étranger. Pourtant, la dictature n’est pas souvent évoquée lorsque l’on discute avec la jeune garde littéraire haïtienne. « Parler de politique est une perte de temps », entend-on souvent. Nombre de ces écrivains contestent aussi leur statut de « jeunes » : « Comment circonscrire cette catégorie de jeunes écrivains ? », demande Stéphane Saintil, critique littéraire. « Faut-il appliquer un critère d’âge ? Est-ce une question de première publication? Si j’ai 60 ans et que je publie mon premier recueil de poèmes, ne suis-je pas un jeune poète?… »

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