25 ème anniversaire de la mort de Sonny Rupaire

sony_rupaire

25 fevrier 1991

Sonny Rupaire, le père de la poésie de langue créole, décède. L’aphorisme:

« Jou nou ké mété ajounou pòkò  vwè jou »

est assez significatif de son engagement politique.

Sonny Rupaire (Soni Ripè) est né le 7 novembre 1940 à Pointe-à-Pitre (Guadeloupe). Son enfance est tôt marquée par le décès de sa mère en 1947 : un passage initiatique à une sensibilité à fleur de peau, autant dire un coup d’ « état de poésie » permanent. Les études secondaires au Lycée Carnot de Pointe-à-Pitre (1953) puis l’École Normale (à Pointe-à-Pitre, 1959) sont pour lui l’occasion de la fraternité partagée, et surtout le lieu de révélation du poète ; ainsi, il participera pour la première fois aux Jeux Floraux en 1955. Ces jeux étaient à l’époque une véritable institution qui récompensait les meilleurs poètes de l’archipel guadeloupéen.

À la fin de ses études en 1961, Rupaire prend son premier poste comme instituteur à Saint-Claude (Guadeloupe). Par insoumission, il refuse de faire la guerre d’Algérie dans le camp des forces coloniales françaises et il rejoint – à la frontière marocaine, ayant passé par l’Europe de l’Est – l’A.L.N. (l’Armée de Libération Nationale) algérienne.

Rupaire reste en Algérie après l’indépendance du pays en juillet 1962 et devient professeur au Lycée de Douera, près d’Alger. Il participe à la mise sur pied d’une politique de l’éducation algérienne…

Lire sur ïle en île une présentation du poète

Sonny Rupaire, Défi

Qui ? 
qui ose de l'éventail d'un papaïer 
chanter qu'il a pouvoir purificateur encore 
sur l'odeur de cette île 
                    ouverte 
comme une plaie 
à l'haleine cariée des carnassiers ? 
Se lève 
s'il ose, 
celui de la route ancestrale 
                    sans croisée 
                    sans détours 
                    rectiligne comme la mire d'un peloton d'exécution. 
Se lève 
et dise : 
                    « Je suis libre en ce puits 
                    de siècle en siècle élaboré, 
                    de mort en mort approfondi, 
                    car dans sa nuit s'épuisent les couleurs. 
                    Je suis le chemin de raison 
                    pavé de bonnes intentions 
                    de ceux qui m'ont donné la nuit 
                    Ainsi soit-il. Ainsi sera. » 
Ah ! qu'il lève la main 
celui de la route ancestrale. 
Qui ose de l'ombrelle d'un flamboyant 
chanter qu'elle a pouvoir estompeur encore 
sur la laideur de cette île 
                    ouverte 
comme une plaie 
aux canines aiguës des carnassiers ? 
Se lève 
s'il ose, 
celui de la bonne conscience 
                    sans remords 
                    sans nuages 
                    lisse comme l'œil unique d'un peloton d'exécution. 
Se lève 
et dise : 
                    « Je suis libre en ce puits 
                    de peur en peur élaboré 
                    de marche en degré descendu, 
                    car débrouillardise n'est pas péché. 
                    Je suis le chemin détourné 
                    semé de présents ignorés 
                    de ceux qui restent dans la nuit. 
                    Sauve qui peut. Je suis sauvé. » 
Ah ! qu'il lève la main 
celui de la bonne conscience. 
Qui ose de la mousse de l'océan 
chanter qu'elle a pouvoir curateur encore 
sur la crasse de cette île 
                    ouverte 
comme une plaie 
aux griffes aguerries des carnassiers ? 
Se lève 
s'il ose, 
celui de la satisfaction 
                    sans marée 
                    sans tempête 
                    pure comme la salve d'un peloton d'exécution. 
Se lève 
et dise : 
                    « Je suis libre en ce puits 
                    de guerre en guerre approfondi, 
                    de loi en loi assimilé, 
                    car jamais n'aurai lumière plus pure. 
                    Je suis le chemin de l'Histoire, 
                    triangulaire hier, 
                              depuis, 
                    linéaire sans une escale, 
                    et qui nous sauve de la nuit. » 
Ah ! qu'il lève la main 
celui de la satisfaction. 
Qui ? 
Qui ose chanter que les guenilles de cette île 
ont pouvoir protecteur encore 
sur son corps 
                    ouvert 
comme une plaie 
aux convoitises des carnassiers ? 
Se lève celui-là 
s'il ose. 
Mais qui le lèvera de garde 
de ceux qui voient passer le temps ?