Jour : 12 juillet 2018

Avignon 2018 : « Quitter la terre » de Joël Maillard

Quitter la terre, Joël Maillard/Sélection suisse en Avignon. Festival d’Avignon off 2018. 11.Gilgamesh Belleville

« Dans un futur plus ou moins proche (ou un passé démesurément lointain) considérant l’incapacité des collectivités humaines à réguler leur impact sur les écosystèmes et la menace d’une imminente saturation écologique et démographique, une solution aussi tortueuse que radicale est imaginée pour sauver la vie humaine à la surface de la Terre »…
Attachez vos ceintures, on va décoller! Et c’est en effet dans un vaisseau spatial d’un nouveau genre que Joël Maillard nous embarque pour un voyage intersidéral sans promesse de retour. Dans la plus pure tradition du roman d’anticipation et du voyage sur la lune depuis Cyrano de Bergerac jusqu’à Jules Vernes, le spectacle nous propose une uchronie ou dystopie sur le mode néo-scientiste farfelu, où la drôlerie ubuesque le dispute au vertige borgesien.
C’est que l’auteur/metteur en scène ne manque pas d’imagination, ni de sens du loufoque. En jouant sur les mots, les prenant au pied de la lettre pour les soulever de terre, il s’empare du terme « nouveau départ  » pour faire décoller la moitié de l’humanité dans une navette en forme de grosse courge ou de cylindre creux, une station orbitale semblable à un gros ananas.

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Avignon 2018 : « Qui suis-je? » d’après le roman de Thomas Gornet, m.e.s.. Yann Dacosta, dessinateur Hughes Barthe

Qui suis-je d’après le roman de Thomas Gornet, m.e.s.. Yann Dacosta, dessinateur Hughes Barthe
Festival d’Avignon off 2018
11. Gilgamesh Belleville

Qui suis-je? Et que peut-on apercevoir de ce que je suis? S’il est une question qui obsède l’adolescence, c’est bien celle de l’image, par où l’on donne à voir aux autres une personnalité, parfois (souvent) à son corps défendant. Et le groupe des ado. n’a pas la réputation d’être tolérant à la différence. D’où le besoin farouche de ressembler aux autres, de se fondre dans la masse. Hélas, il existe des aspects de notre personne qui nous échappent, lesquels sont plus ou moins apparents et plus ou moins connus de nous. Pour l’adolescent, la question « qui suis-je » pourrait donc se reformuler « qui les autres m’apprennent-ils que je suis? »
Là est le drame de l’individu en devenir, et c’est ce processus de construction de l’identité que retrace le roman de Thomas Gornet et son adpatation théâtrale par Yann Dacosta. Processus particulièrement épineux lorsqu’on se découvre un désir homosexuel. Cette sexualité, déjà tellement difficile à assumer pour un ado.

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Avignon 2018 : « Le corps en obstacle » ou les affres de la croissance pour une PME ?

« Le corps en obstacle », de Gaëtan Peau m.e.s. de David Seigneur
Interprètes : Greg Germain, David Seigneur, Stéphane Brel, Sumaya Al-Attia et Ndofusu Josué

La demande est croissante. Dans la logique binaire du marché l’offre doit s’addapter. Demande de gardiennage, de « sécurité ». Pas sûr pour autant que la présence d’uniformes rassure. Dans le corps en obstacle la PME familiale est confrontée à une croissance, dont on pourrait croire a priori qu’elle est bienvenue alors qu’en réalité elle va induire des transformations de la structure, un changement de comportement, l’acceptation d’un autre mode de gestion. Pole Emploi ne peut répondre aux nouveaux besoins ded’oeuvre. Les candidats qui se présentent sont inadaptés. Que faire ? Embaucher des sans-papiers comme le conseille l’avocate fiscaliste, rôle très bien tenu par Sumaya Al-Attia, dans une logique purement utilitariste qui « a noyé les frissons sacrés de l’extase religieuse, de l’enthousiasme chevaleresque, de la sentimentalité petite-bourgeoise dans les eaux glacées du calcul égoïste. » . Clandestins ils seront corvéables à merci pour un salaire de misère. Le réfugié, l’immigré, le clandestin n’est pas l’illettré des poncifs balancés à la tête du pékin pour l’empêcher de penser.

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Avignon 2018 : « La Bataille d’Eskandar », de Samuel Gallet, m.e.s. collectif Eskandar

Festival d’Avignon off 2018

Comment loger sur un plateau scénique exigu et triangulaire la formidable histoire de la ruine d’Eskandar, lorsque cet espace mesuré est déjà dévoré par une théorie d’instruments de musique imposants? C’est cette gageure que relève le collectif Eskandar, les comédiens Pauline Sales et Samuel Gallet et les musiciens Aëla Gouvennec et Grégoire Ternois. Une belle complicité les unit pour faire revivre cette histoire à la fois épique et banale. C’est l’histoire d’une femme à bout de souffle, traquée par les banquiers, les créanciers et les huissiers, tentant de survivre avec son fils Mickel. Elle rêve d’un séisme qui ferait effondrait cette cité maudite qui la harcelle quotidiennement, la méprise et la ruine.
Cette double histoire va donc se dérouler sur le plateau: en parallèle, la vie réelle dans laquelle arrive le jour de son expulsion et la vie rêvée, qui n’est pas forcément plus clémente: dans le rêve, l’effondrement jouissif de toutes les institutions maudites (banques, écoles, bâtiments administratifs) se double d’une invasion des ruines de la cité par les animaux les plus féroces échappés du zoo.

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Retraites : Pas d’autre voie que de toucher à la répartition des richesses !

— Par Max Dorléans pour le GRS —

C’est parce qu’il n’est pas question de toucher à l’actuelle répartition des richesses dans un sens défavorable aux nantis et aux plus puissants, que Macron et cie – après tous les gouvernements qui les ont précédés depuis une quarantaine d’années – poursuivent , sous couvert de sauver la Sécu, l’entreprise de démolition de cette institution fondamentale née en 1945 – et plus largement le système de protection sociale – ainsi que les autres acquis sociaux gagnés ultérieurement.
Une démarche qui n’a pas d’autre objectif que de privatiser la Sécu et la santé, pour leurs seuls intérêts financiers. Une démarche malheureusement en bonne voie, avec la diminution des cotisations sociales d’un côté, et le recours à l’épargne individuelle, c’est-à-dire aux assurances, banques et mutuelles de l’autre pour se garantir – ceux qui peuvent – une retraite satisfaisante.
Pourtant, malgré les retraites modestes servies par les régimes obligatoires de base, notre régime de retraites qui est un régime par répartition, dérange. Parce qu’il est fondé sur la solidarité, et que son admirable ambition, à savoir fournir légitimement à tous les retraité/es, une base de revenu leur permettant, après leur période de vie active, de vivre dignement, est inadmissible pour ces dominants.

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Avignon 2018 : « Jogging » de Hanane Haji Ali, Beyrouth, Liban

Jogging
de Hanane Haji Ali, Beyrouth, Liban
Festival d’Avignon off,
La Manufacture

C’est l’histoire d’une femme qui s’apprête à faire son jogging quotidien pour lutter contre l’ostéoporose, l’obésité et la dépression: elle se prépare en faisant quelques exercices de musculation et d’assouplissement. Mais voilà, elle est voilée, toute habillée d’un vêtement noir qui dissimule son corps et elle court dans les rues de Beyrouth. Elle stimule dans son corps deux hormones la dopamine et l’adrénaline qui sont tour à tour destructrices et constructives, à l’image de sa ville qui détruit pour reconstuire et construit pour détruire.

Et au fur à mesure qu’elle s’entraîne, elle déroule en un monologue intérieur le fil de ses pensées qui la bringuebalent de sa vie la plus triviale à la métaphysique. La note est donnée: celle d ‘un humour corrosif qui fera voisiner Allah avec les plus basses fonctions humaines. L’irrévérence est à son comble et on se prend à penser : »heureusement pour elle qu’elle n’exprime pas ce qu’elle pense à voix haute »! A partir de là, c’est toute l’oppression ordinaire des femmes au Moyen-Orient qui va occuper le paysage.

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Avignon 2018 : « Le Sac de Litha », texte, et m.e.s. Gilbert Laumord

Bal(l)lade enchantée du côté de Corée-en-Caraïbes

Litha s’est enfuie pour se sauver d’un destin qu’elle n’avait pas choisi. Elle a décliné la convocation à vivre en matrifocalité. Elle est partie. Sur son chemin de délivrance elle rencontre Bazil, figure caribéenne de La Faucheuse, qui se montre, en l’occurrence sous les aspects d’un bien beau jeune homme charmant et charmeur. Il l’invite à une dernière danse. Elle sollicite un répit le temps de vider son sac. Bazile accepte et Litha n’aura de cesse de retarder le temps de l’enlacement en prenant appui sur des poèmes d’Aimé Césaire, d’Edouard Glissant. Ils lui montreront que ce à quoi elle a renoncé est un désordre ancien, voué à sa disparition et qu’il est un autre monde en devenir, imprédictible, imprévisible, sensible au chatoiement des différences additives, à la « pensée du tremblement ». Il faut mourir pour renaître à autre chose.

« Le sac de Litha » est un poème amoureux qui enroule ses musiques autour du conte, du chant, du cri murmuré, du mi-dire flamboyant. Cette envolée est née d’un séjour prolongé de Gilbert Laumord en Corée.

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