Jour : 23 avril 2016

Deux personnages d’immoralistes : « Dom Juan », « Le Bel indifférent »

— Par Selim Lander —

Dom Juan 2.0 Dom Juan 2.0 ou comment combiner l’écriture de plateau avec un texte classique

Molière et Dom Juan. Peut-on imaginer que cette pièce fut écrite dans l’urgence, pour pallier l’interdiction du Tartuffe, une pièce en prose, contredisant la règle des trois unités, qui n’eut que quinze représentations du vivant de Molière, bref rien qui puisse présager qu’elle soit considérée désormais comme l’un des chefs d’œuvre de l’auteur ? Le succès de la pièce est d’autant plus étonnant que si son sujet principal – l’impiété – pouvait faire scandale au XVIIe siècle, au même titre que celui de Tartuffe – la fausse dévotion – il ne peut guère toucher les Français d’aujourd’hui qui n’ont pas la religion comme principale préoccupation (on ne parle pas ici des islamistes qu’on n’imagine pas, au demeurant, en spectateurs de théâtre – ou des chrétiens intégristes qui ont besoin de quelque chose de plus provoquant que Molière pour se mobiliser).

Don Juan ou l’immoraliste. Contrairement à Tartuffe qui ne cesse de tenir des discours moralisateurs, Don Juan professe le rejet de toute morale autre que celle de ses plaisirs immédiats.

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Petites réflexions sans prétention

— par Janine Bailly—

Phedre(s) de Wajdi Mouawad, Sarah Kane et J.M. Coetzee mise en scene de Krzysztof Warlikowski au theatre de l'odeon du 17 mars au 13 mai 2016. Avec: Isabelle Huppert, Agata Buzek, Andrzej Chyra, Alex Descas, Gael Kamilindi, Norah Krief, Rosalba Torres Guerrero. (photo by Pascal Victor/ArtComArt)

Il semblerait qu’une mode sévisse actuellement au théâtre, comme si l’on était en manque d’œuvres originales à mettre en scène. Avec plus ou moins de bonheur, on « revisite » les œuvres du répertoire — sous certaines plumes il m’a même été donné de lire ce vilain verbe  de « dépoussiérer » —, on les adapte, on les change d’époques et de costumes, de lieux et de langages, on les résume et les allège ou les surcharge, on leur fait dire ce qu’au grand jamais elles n’auraient cru dire, irai-je jusqu’à écrire qu’on les triture et les tord et les malaxe en tous sens ? C’est là donc que se serait réfugiée une part essentielle de la créativité ? Ne boudons pas notre plaisir, ces manipulations font partie du jeu, et il est bel et bon que le metteur en scène prenne un point de vue qui lui soit propre, qu’il nous donne à voir le texte sous un angle singulier, et sous un éclairage qu’il aura privilégié, ceci à la condition que ce texte ne devienne pas qu’un simple prétexte.

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« Le bel indifférent » : pathétique !

— Par Roland Sabra —

le_bel_indifferent-2Un grand fauteuil, incommode sans doute. Une petite table basse avec un téléphone. Elle est déjà là, robe rouge seule sur le plateau noir. Seule c’est ce qui la définit le mieux. Elle attend. Le public entre s’installe, se salue, parle, papote comme si elle n’était pas là. Elle compte pour si peu. On le sait déjà. Imperceptiblement la lumière décline. La frontière entre l’avant et le début du spectacle est brouillée. Cette histoire n’a pas de commencement, ni de fin. Elle est de toujours, de toute éternité, sans époque et sans lieu. Une tragédie. Une tragédie de l’attente, de l’attente de l’autre, de l’amour pour l’autre, de l’amour bafoué, de la jalousie, de la solitude. Elle l’attend. Elle guette les bruits de l’ascenseur, de la cage d’escalier. Il arrive, s’installe dans le fauteuil, lit son journal. Sans un mot. Elle, elle parle, elle parle. Elle soliloque. Elle réclame. Elle menace. Elle dit aussi le mépris, la déchéance, l’obsession, l’argent, la violence et la haine, la mendicité amoureuse. Elle dit : « je t’aime, je t’aime, je t’aime, je t’aime ».

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« Mariage pour tous: Hollande nous a Barjoté.e.s »

— Par Alice Coffin membre du collectif féministe et lesbien Ouiouioui, co-présidente de l’AJL (Association des journalistes LGBT) —

lgbt_flagPour Alice Coffin, la machine à faire oublier comment et au prix de quels renoncements cette loi a été adoptée il y a trois ans est en route. Ne doit rester pour mai 2017 que l’image d’un chemin victorieux tracé par le gouvernement.

On fête ce samedi 23 avril les trois ans de l’adoption de la loi sur le mariage pour tous. Plus on s’éloigne de ce 23 avril 2013, plus François Hollande, les ministres et élu.e.s socialistes, les commentateurs et commentatrices de la vie politique semblent faire de cette mesure, faute d’en voir poindre d’autres, le texte emblématique du quinquennat. Celle que l’on va pouvoir brandir à l’heure des bilans pour dire «ça quand même, c’est la gauche!». La machine à faire oublier comment et au prix de quels renoncements cette loi a été adoptée est en route. Ne doit rester pour mai 2017 que l’image d’un chemin victorieux tracé par le gouvernement et les députés socialistes venus, dans leur grande générosité, accorder des droits aux gays, bi, lesbiennes et trans.

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« Partition noire et bleue » (Lémistè 2) de Monchoachi

lemiste_2Le premier volume du cycle Lémistè, sous-titré « Liber America », était une approche par la parole de l’univers culturel et langagier du monde amérindien, à travers le choc entre les cultures européenne, africaine et caraïbe, qui se traduisit notamment, du point de vue de la langue et donc de la littérature, par l’invention à travers le créole d’une langue particulièrement sensuelle.
Dans le présent volume, Partition noire et bleue continent africain, sa puissance symbolique, son énergique vitalité. La grande originalité de la prosodie de ce livre, –où l’incantation la plus mystérieuse et la réalité langagière la plus immédiate et triviale répondent par la parole poétique au génie tragique de l’Afrique —,est de métaphoriser par une langue particulièrement riche et parleuse ses rites, ses masques, toute cette force merveilleuse qui « être relié par toutes les fibres du corps aux puissances de l’univers ». Monchoachi magnifie le Continent noir et ses riches cosmogonies face à l’emprise étouffante et froide de « la rationalité rapetissante, standardisante, nivelante, le fatalisme morne généré par un culte obtus rendu à l’évolutionnisme… »

Un livre qui s’inscrit dans le continuum d’une incroyable et fascinante entreprise langagière.

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Wifredo Lam, la construction d’une esthétique

le 27 avril 18h Campus Schoelcher

berthet_lamLe peintre cubain Wifredo Lam (1902-1982), de renommée internationale, est l’initiateur d’une peinture métissée alliant modernisme occidental et symboles africains ou caribéens. Il a côtoyé tous les mouvements d’avant-garde de son époque – cubisme, surréalisme, CoBrA – qui incitent à la liberté, favorisent l’accès à l’inconscient ou explorent le merveilleux, à travers l’automatisme graphique… Mais Lam affronte également les problèmes du monde ; il poursuit dans son œuvre le même combat que son ami, Aimé Césaire : « peindre le drame de son pays, la cause et l’esprit des Noirs ». Il a ainsi inventé un langage propre, unique et original, pour « défendre la dignité de la vie » et « saluer la Liberté ». (http://www.wifredolam.net/)

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L’oeuvre de Wifredo Lam occupe une place singulière et paradoxale dans l’art du 20ème siècle, exemplaire des circulations plurielles des formes et des idées dans le contexte des avant-gardes, échanges et mouvements culturels inter et transnationaux qui ont constitué le « modernisme élargi » décrit par Andreas Huyssen autrement et bien avant que la question de la globalisation ne soit posée dans les années 1990.

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Lutte sociale et enjeux politiques à l’ère de la CTM

— Tribune  de Philippe Pierre-Charles & Max Rustal —
drapeau_972-tt_couleursUne nouvelle mode a vu le jour : celle de brandir le mot de « politique » pour discréditer toute lutte sociale. Mais en vérité, est-ce si nouveau que cela ?
Les pompiers réussissent, après de multiples tentatives plus ou moins fructueuses auparavant, à sensibiliser sérieusement la population et à interpeller vigoureusement les élus sur les graves problèmes que connaît ce service public d’incendies et de secours vital pour tous. Les voici aussitôt accusés de vouloir « déstabiliser la nouvelle gouvernance » à peine installée !

Un syndicat nouveau au Club Med proteste contre le licenciement illégal d’une déléguée syndicale, et voici le très politique patron, patriote récemment déclaré et propagandiste audacieux du « moratoire social », qui dénonce avec fracas la manœuvre de déstabilisation politique ! Pas de veine toutefois puisque deux élus qu’on ne saurait soupçonner de sympathie pour EPMN, à savoir Nilor et Gémieux, ne semblent guère de cet avis.

Des centaines de travailleuses et travailleurs de la jeune CTM ruent dans les brancards contre le refus de renouveler des contrats de travail dont près d’une centaine concernent des emplois durables indispensables au travail de la Collectivité, et voilà les dirigeants qui crient tous en chœur à la manœuvre politicienne de ceux de l’ancienne majorité qui n’acceptent pas le verdict des urnes… « C’est donc une paralysie politique du pays qui est organisée » ajoute le président de l’exécutif.

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