Jour : 22 novembre 2015

Pour la juste démesure

— Par Patrick Chamoiseau, poète et écrivain —
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Les démocraties capitalistes ne sont pas vertueuses. Leurs excès, leurs prédations, leurs injustices, leur barbarie économique insidieuse se situent toujours dans un ordre que nous avons intériorisé et à partir duquel nous essayons de combattre leur saccage du futur. Cet ordre installe une mesure qui s’est élargie à toute la planète, nous vivons avec elle, et c’est parce que nous sommes plongés dans sa violence marchande qu’il nous est difficile de penser une alternative globale à l’horreur du profit maximal, du développement comme solitude au monde, et à sa loi occidentale.

Que nous reste-t-il ?

Certainement pas un « hors-mesure » qui reste encore dans la mesure de l’ordre régnant et de ses ombres. Qui s’y soumet ainsi, et donc le régénère. Non. Il nous faut une démesure. Mais pas celle qu’utilisent les hommes de la terreur.

La démesure, quand elle s’applique à une contestation demeurée immédiate et sommaire, n’est jamais de l’ordre de l’alternative ou de la proposition. La barbarie de la terreur est en ce sens une démesure désespérée, surtout désespérante.

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Macbeth : esthétique et fidélité

A Madiana. Voir les horaires.

macbeth_afficheSe confronter à Macbeth, c’est bien sûr se frotter à Shakespeare, mais indirectement se mesurer à Orson Welles ou Polanski. Pour son deuxième long-métrage, Justin Kurzel n’a donc pas choisi la facilité. Reste à savoir s’il parvient à se hisser sur les épaules de ces géants ou se contente de leur chatouiller les chevilles.
Son adaptation s’ouvre sur la bataille de Norvège, fait d’arme initial de Macbeth et source de sa chute. Dès cette introduction, le film nous plonge dans une suite de tableaux, séquences de combat au ralenti qui imposent immédiatement la puissance picturale de l’œuvre. On aura invoqué ici et là une mise à jour esthétique du chef d’œuvre shakespearien, qui ferait du pied aussi bien au Guerrier Silencieux de Winding Refn qu’à Game of Thrones. Si ces remarques ne sont pas à proprement parler inexactes, elles ne suffisent pas à rendre compte du geste de cinéma accompli par Kurzel.

Plus qu’une incarnation moderne ou « à la mode » de Macbeth, le metteur en scène s’échine à reproduire à l’image la fuite en avant, la fièvre et la démesure qui habite le couple mortel qui occupe dans la pièce le devant de la scène.

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