— Par Roland Sabra —
Synopsis : Victoria, fillette noire de milieu modeste, n’a jamais oublié la nuit passée dans une famille bourgeoise, à Paris, chez le petit Thomas. Des années plus tard, elle croise de nouveau celui-ci. De leur brève aventure naît Marie. Mais Victoria attend sept ans avant de révéler l’existence de l’enfant à Thomas et à sa famille, issue de la bonne bourgeoisie, généreuse et ouverte. Sous le charme de la petite fille, ils lui proposent alors de l’accueillir régulièrement. Peu à peu, Victoria se sent dépossédée de sa fille…
Pour son neuvième long métrage Jean-Paul Civeyrac adapte à l’écran une nouvelle de Doris Lessing « Victoria et les Staveney ». Le film en transposant la situation de Londres à Paris dresse avec une grande finesse, une belle distance et beaucoup de sensibilité le portrait de deux univers à travers deux générations. D’un coté une bourgeoisie blanche, ouverte, de « gôche » si tant est que le mot est encore un sens, possédant les codes culturels dominants et capables d’en jouer, très « bobo » en un mot, de l’autre un monde en marge qui regarde passer les trains de l’histoire sans jamais oser y monter si ce n’est comme soutier et qui se sent dépossédé non seulement des richesses matérielles mais plus encore des us et des coutumes incorporés par les possédants et que ceux-ci manient de façon presque « naturelle »⋅ Habitus dirait Pierre Bourdieu.