« Venise danse comme un bouchon sur la mer »

Biennale Une affiche internationale de grande classe pour une manifestation de plus en plus éclatante. Une affiche impressionnante : De Keersmaeker, Trisha Brown, Boris Charmatz, Virgilio Sieni, Thomas Hauert…

venise_biennale_2016-aVenise, envoyée spéciale.

Le poète Léon-Paul Fargue écrivait « Venise danse comme un bouchon » sur la mer « amarrée à ses poteaux ». La douzième édition du festival international de danse contemporaine qui vient de se terminer lui donne raison (1). La danse prend en effet idéalement ses quartiers d’été dans cette ville de palais où l’aqua alta (les hautes eaux) oblige tout un chacun à marcher pieds nus la nuit.

Maguy Marin, pour sa part, a présenté Duo d’Éden (1986), pièce courte pour deux interprètes (Françoise Leick et Marcelo Sepulveda). Les corps nus (qu’un mince voile recouvre) semblent cousus l’un à l’autre. Tenue à bout de bras par son partenaire, Ève naît littéralement de la côte d’Adam. Elle lui tourne autour sans que jamais ses pieds touchent terre. L’humanité biblique, à la fois convulsive et tendre, à peine surgie de la boue, n’a pas encore connue la chute. Près de tomber, la jeune femme est aussitôt reprise en main, hissée sur une épaule quand elle ne s’enroule pas autour du tronc du danseur. La gestuelle est conçue de main de maître et l’on perçoit magnifiquement l’effort musculaire des portés qui s’enchaînent. La solitude violente et les contorsions compulsives, coutumières chez Maguy Marin, ne sont pas à l’ordre du jour dans ce duo inaugural. L’homme et la femme à peine nés cherchent déjà le bonheur, qui sera bref.
Le mouvement s’épanouit en plein air

Isabelle Schad et Laurent Goldring ont présenté Der Bau, conçu à Berlin. Nue, seule en scène, Isabelle Schad crée une performance têtue où elle expose son corps comme un matériau réel, en élans immobiles et roulements d’épaules, penchée de dos, tête dans le cou. Cette profusion discrète d’explorations musculaires en microdéplacements ultrarapides donne à voir une image anatomique par fragments. Elle s’empare alors de longues bandes de tissus bruns et gris dont elle s’enveloppe pour s’en défaire aussitôt afin d’exorciser le fantasme voyeuriste en direct. C’est subversif sans avoir l’air d’y toucher…

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